Les biocarburants n’ont pas dit leur dernier mot

(photo CC Flickr/Rosewoman)

(photo CC Flickr/Rosewoman)

Les biocarburants ont longtemps eu le vent en poupe. Promus sous la forme du bioéthanol E85 par le rapport Prost, poussés par les pétroliers sous la forme du sans plomb 95 E10, ils étaient annoncés comme la solution idéale pour réduire les émissions de CO2 des voitures particulières. Mais les groupements écologistes n’ont pas tardé à dénoncer ses travers : utilisation de pesticides, déforestation, compétition avec les cultures alimentaires. Au point de préférer les désigner en tant que « agrocarburants », leur refusant l’étiquette « bio ». Cependant, d’autres pistes sont à l’étude pour produire des biocarburants de façon plus efficace…

Le vent semblait avoir tourné pour les biocarburants : ils sont accusés d’être l’une des causes du renchérissement des denrées alimentaires constaté depuis 2007, au point que la FAO a incité en 2012 les États-Unis à cesser toute production de bioéthanol à base de maïs, afin d’éviter une… crise alimentaire, rien que ça ! En outre, l’impact de cette agriculture intensive sur l’environnement (pesticides, voire déforestation) a été dénoncé par nombre d’associations écologistes.

Une pompe à essence distribuant des biocarburants (photo CC Flickr/David Reverchon)

Une pompe à essence distribuant des biocarburants (photo CC Flickr/David Reverchon)

Depuis, on distingue les biocarburants selon leur « génération ». La première génération, c’est celle tant décriée, où l’on cultive du maïs, de la betterave, du blé ou du colza non pas pour nourrir les habitants, mais exclusivement pour remplir les réservoirs de leurs autos. Difficile à admettre lorsque la sous-nutrition touche 800 millions de terriens…

La deuxième génération semble déjà condamnée. Elle consiste à exploiter les déchets végétaux issus de l’agriculture : tout ce qui n’est pas consommé, à savoir les feuilles et tiges. Mais le rendement de cette filière est faible, et les volumes disponibles réduits, car la plupart des déchets sont déjà utilisés dans l’agriculture (pour fertiliser les sols ou nourrir le bétail).

Les biocarburants de deuxième génération ne tiennent pas leurs promesses (photo CC Flickr/jimmedia)

Les biocarburants de deuxième génération ne tiennent pas leurs promesses (photo CC Flickr/jimmedia)

Reste donc la troisième génération, qui concentre tous les espoirs et semble la plus prometteuse. Cette fois-ci, pas question de se greffer sur les productions agricoles actuelles : on préfère créer une nouvelle filière, à base d’algues ou de plantes du désert. Des fermes-laboratoire sont ainsi développées autour du phytoplancton marin, qui se révèle capable de générer rapidement huiles et sucres qui servent de base aux biocarburants. Cultivées dans de grands bassins, des micro-algues peuvent ainsi produire entre 20 et 30 tonnes d’huile par hectare et par an, contre 6 tonnes pour le palmier et une tonne pour le tournesol.

Des bassins de culture d'algues (photo CC Flickr/PNNL - Pacific Northwest National Laboratory)

Des bassins de culture d’algues (photo CC Flickr/PNNL – Pacific Northwest National Laboratory)

Une industrie est particulièrement en pointe sur ce sujet : l’aérien. En effet, impossible d’imaginer des Boeing ou des Airbus électriques ou hybrides ! Les avions de ligne continueront encore longtemps d’utiliser des réacteurs alimentés par des carburants liquides. D’où l’intérêt de cette filière pour les biocarburants.

Un réacteur d'avion électrique ou hybride ? C'est pas pour demain ! (photo CC Flickr/NguyenDai)

Un réacteur d’avion électrique ou hybride ? C’est pas pour demain ! (photo CC Flickr/NguyenDai)

Boeing a ainsi dévoilé un projet de ferme basée aux… Émirats Arabes Unis. À priori, les pays du Golfe Persique sont peu gâtés pour l’agriculture, avec leur climat sec et leurs déserts arides. Mais les ingénieurs agronomes étudient de près les propriétés particulières des « halophytes », ces plantes adaptées aux milieux salés et arides. La plus connue d’entre elles est la salicorne, que l’on trouve par exemples dans les prés salés.

Les plantes halophytes utilisées par Boeing et le SBRC (photo © Boeing)

Les plantes halophytes utilisées par Boeing et le SBRC (photo © Boeing)

Le Sustainable Bioenergy Research Consortium (SBRC) d’Abu Dhabi va ainsi créer cette année une ferme-laboratoire qui puisera son eau salée dans les déchets d’une usine aquacole voisine. Les halophytes vont puiser l’eau et les sels minéraux contenus dans ces fluides, les purifiant au passage, avant de les rejeter dans une mangrove, qui les retournera à l’océan.

La ferme réutilise les déchets d'une usine d'aquaculture (photo © Boeing)

La ferme réutilise les déchets d’une usine d’aquaculture (photo © Boeing)

Il suffit ensuite de récolter ces halophytes, qui peuvent être entièrement converties en carburant. Un carburant qui rejette 50 à 80 % de CO2 en moins « du puits à la roue » que les carburants fossiles classiques. En outre, ce procédé exploite une source d’eau répandue et vaste (97 % de l’eau terrestre est contenue dans les océans), et est adaptable dans des endroits habituellement peu hospitaliers pour l’agriculture, les déserts représentant 20 % de la surface du globe. Pas de risque de concurrence avec les cultures vivrières, donc.

Si ces halophytes tiennent toutes leurs promesses, il restera ensuite à passer au stade de la production industrielle. Mais probablement pas avant 2020.

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