Les véhicules diesel boutés hors de nos cités, c’est le rêve de nombreux politiques et de tous les écologistes. Mais un tel scénario peut-il réellement se produire à court terme ? Pas si sûr.
Une phobie récente
Le ciel du Diesel a commencé à s’obscurcir en 2012. L’Organisation Mondiale de la Santé publie alors une nouvelle liste de produits cancérogènes (provoquant ou aggravant l’apparition d’un cancer) au sein de laquelle figure le gasoil. Pour beaucoup, ce n’est que la concrétisation officielle d’une vérité connue depuis longtemps. Mais la tempête se déchaine réellement en septembre 2015. L’agence américaine de protection de l’environnement (EPA) rend alors publique une affaire impliquant le groupe Volkswagen. Le géant allemand est accusé d’avoir utilisé des logiciels falsifiant les résultats des tests anti-pollution obligatoires pour obtenir l’homologation sur le sol états-uniens. Le diesel, pourtant portés aux nues durant des décennies par de nombreux pays, la France en tête, se révèlerait donc incapable de satisfaire aux normes en vigueur sans que les motoristes n’aient à tricher. Car, rapidement, le géant allemand n’est plus le seul mis en cause : tous les constructeurs possédant ce type de moteur dans leur gamme sont pointés du doigt. Pour les politiques, le diesel devient alors le carburant à abattre. Et de nombreux maires de grandes villes entendent bien lui interdire d’accéder à leurs rues dans un avenir très proche.
Un mouvement déjà en marche
Dans à peine plus de cinq années, plus aucun véhicule diesel ne devrait pouvoir poser les roues dans la capitale française. C’est la volonté d’Anne Hidalgo, actuelle Maire de Paris, qui veut étendre cette interdiction à l’ensemble du Grand Paris en 2025 puis à toute l’Île de France en 2030. Car pour Madame Hidalgo, les véhicules diesel, vieux ou récents, sont responsables d’au moins la moitié de la pollution de la région. Et de produire des études qui révèlent, entre autres, que le taux de personnes touchées par la maladie d’Alzheimer est 30% plus élevé dans les pays les plus fortement dieselisés que dans la moyenne des Etats de l’OCDE. Ou encore que les maladies respiratoires se développent à vitesse grand V à Paris et dans sa région.
Cette interdiction est déjà en partie effective. A Paris, les diesel d’avant 1997 sont indésirables depuis l’instauration des vignettes Crit’Air. A Grenoble, les utilitaires et les poids lourds de plus de 20 ans le sont également. En cas de pic de pollution, la cité iséroise étend cette réglementation aux voitures. Dans ce dernier cas, sont également concernés Annecy, Chambéry, Lille, Lyon, Rennes, Strasbourg et Toulouse. Et bien d’autres zones vont suivre : des villes de taille moyenne (Avignon, Dax, Niort…) ou plus importantes (Bordeaux, Clermont-Ferrand, Marseille, Nantes…), mais aussi des territoires (Alpes Maritimes du sud, Trois Vallées, vallée de l’Arve…) voire des départements entiers (Bouches du Rhône, Eure, Martinique, Seine Maritime…) travaillent sur des mesures équivalentes.
Chez nos voisins aussi, le dossier est en discussion, notamment à Bruxelles, qui vise le retrait du diesel d’ici à 2030 mais a déjà mis en place des bannissements totaux pour certaines catégories de diesel (Euro 1 ou antérieurs depuis le 1er janvier dernier, Euro 2 à partir du 1er janvier prochain, Euro 3 en 2020, Euro 4 en 2022 et Euro 5 en 2025). Une mesure qui concerne également 18 communes de la zone métropolitaine belge. Des calendriers plus ou moins similaires existent également pour Athènes, Barcelone, Madrid, Milan et Rome. Une fois n’est pas coutume, les pays nordiques (Danemark, Finlande, Norvège et Suède) ont également commencé à prendre des mesures mais ne sont pas (encore ?) les plus virulents sur ce dossier.
Pas de craintes à court terme
Si l’interdiction des diesel les plus anciens est déjà une réalité pour nombre de villes, venir complètement à bout de ces véhicules sera une tâche beaucoup plus ardue. L’exemple de Hambourg, première ville allemande à avoir voulu interdire le diesel sur certains de ses axes, en est la parfaite illustration. Tout d’abord, et contrairement à ce qu’avaient laissé croire les dirigeants de la ville dans un premier temps, seule une partie minime de la ville est concernée : deux rues dont la longueur totale dépasse à peine les 2 km. Moins d’un résident de Hambourg sur 1 000 habite sur ces axes, sachant qu’eux-mêmes bénéficient d’une exemption de se plier à cette règle, tout comme les véhicules de livraison et de secours. De plus, et là encore cela va en contradiction avec les premières déclarations, ne sont concernés que les diesel répondant aux normes Euro 4 ou antérieures. Visiblement, cette mesure a davantage été prise pour faire plaisir aux édiles de l’Union Européenne (Hambourg est régulièrement pointée du doigt par Bruxelles à cause de son niveau de pollution trop élevé, principalement dû au port) que pour avoir une réelle efficacité. Il semble évident que de nombreuses autres équipes municipales, en Allemagne ou ailleurs en Europe, feront, elles aussi, le choix de proposer des interdictions mesurées pour ne pas se mettre trop de leurs électeurs à dos.
La question des normes anti-pollution est également cruciale. Aujourd’hui, les catalogues de la plupart des constructeurs proposent des versions diesel qui répondent aux exigences Euro 6d-Temp, le protocole d’homologation en vigueur. Nombre de juristes, y compris une partie de ceux appartenant aux autorités européennes, considèrent qu’il sera légalement impossible de limiter ou de prohiber la circulation de véhicules qui répondent à des normes toujours en vigueur. Il semble que certains écologistes voudraient mettre en avant la dangerosité sanitaire de ces véhicules pour pouvoir les faire interdire dans des zones à forte concentration de population. Mais, dans ce cas, ne faudrait-il pas aussi interdire les autres véhicules thermiques, à priori tout aussi préjudiciable à la santé ?
Le courage politique est également une donnée à ne pas négliger dans la mise en place de ces décisions d’interdiction. Ne plus permettre à une part importante du parc automobile (plus de 60 % en France) de pouvoir circuler librement aurait forcément des conséquences sur les propriétaires concernés. Leurs autos deviendraient beaucoup plus difficile, voire impossible, à revendre et les pertes financières seraient très importantes pour chacun d’entre eux. Alors que la hausse des prix du carburant dans l’Hexagone fait déjà monter la grogne depuis plusieurs semaines, mettre virtuellement au rebut une part importante des automobiles françaises aurait des airs de suicide politique.