L’agressivité des conducteurs est un véritable enjeu de sécurité routière. Selon une étude récente, plus d’un conducteur sur 10 serait très agressif au volant et certains reconnaissent même que ce comportement a été la cause directe d’un accident entraînant des victimes.
Un comportement qui nous concerne tous
Grognements, insultes, gestes déplacés, manœuvres vengeresses… chacun s’est, à un moment ou à un autre, emporté tandis qu’il conduisait. Y compris ceux qui, en temps normal, sont aussi doux que des agneaux. Mais qu’est-ce qui explique que, une fois installé derrière le volant, notre comportement puisse changer aussi radicalement ?
C’est la question que s’est posée la Fundacion Linea Directa (association à but non-lucratif, créée par la compagnie d’assurance Linea Directa, l’un des principaux acteurs de ce marché en Espagne) au travers d’une étude portant sur 1 700 conducteurs ibériques. Et les conclusions ne sont guère rassurantes. Quasiment 3 interrogés sur 5 reconnaissent avoir déjà insulté un autre conducteur. Un sur huit a même déjà engagé l’autre à sortir de sa voiture pour « s’expliquer ». Ces chiffres ne sont, bien sûr, pas totalement transposables dans l’Hexagone, nos compatriotes se montrant, selon une autre étude, menée par Easy Park (un application de stationnement) auprès de plusieurs milliers de conducteurs de 13 pays européens, moins agressifs que nos cousins d’outre-Pyrénées (20% des répondants considèrent que les Espagnols sont les conducteurs les plus agressifs d’Europe, contre seulement 5% pour les Français).
Il n’empêche que nous avons tous été témoins, victimes et/ou acteurs de ce type de comportement. Et qu’une part non-négligeable, mais non déterminée, des blessés et des morts est probablement due à ces débordements. A l’heure où la sécurité routière est, si l’on croit le Gouvernement, un enjeu majeur, il semble donc indispensable de se pencher sur ce phénomène.
Des causes multiples
Récemment, l’université de Valence (Espagne) et l’INTRAS (l’institut universitaire espagnol du trafic et de la sécurité routière) se sont penchés sur les raisons qui poussaient un conducteur à devenir agressif. Pour la moitié des sujets, l’origine est principalement d’ordre génétique. En gros, nous naissons prédisposés, ou pas, à être agressif. Pas question, pour autant, de tout mettre sur le dos de Dame Nature. Des circonstances extérieures peuvent aussi faire apparaitre, ou font accentuer, cette agressivité. Parmi les principaux, on trouve le stress et la chaleur. Mais aussi, ne nous le cachons pas, le genre : les hommes ont une propension naturelle bien plus importante que les femmes à devenir agressifs. L’alcool, en tant qu’agent désinhibiteur, est également une cause majeure, tout comme le sentiment de frustration (le conducteur se sent lui-même agressé, à raison ou à tort, par le comportement d’un autre) et la réaction aux remarques d’un occupant de son auto que cela aille dans son sens, en approuvant sa conduite agressive, ou pas, en émettant des critiques sur sa façon trop « molle » de conduire. Autre point important, dans plus d’un cas sur deux, on devient agressif lorsque l’on conduit en zone urbaine.
Loin de se limiter à l’émission de quelques noms d’oiseaux, les conséquences sont, elles aussi nombreuses. L’agressivité fait perdre à un conducteur une bonne partie de sa concentration et l’incite à avoir un comportement plus risqué car il nie alors plus facilement les dangers. Dans la plupart des cas, on s’en tient à des cris ou des insultes. Mais parfois, on en vient aux mains voire, pire encore, on se sert de son auto comme d’une arme (queue de poisson, appels de phares, chocs volontaires…).
Selon l’OMS (organisation mondiale de la santé), plusieurs infractions sont également régulièrement causées par cette agressivité : non-respect d’un feu, d’un stop ou d’un cédez-le-passage, excès de vitesse, ceinture de sécurité non-attachée, multiplication des distractions (usage du téléphone, du GPS, du système multimédia…).
Un comportement punissable
Le législateur ne laisse évidemment pas impunie la plupart des fautes commises sous l’impulsion de la colère. Le non-respect des distances de sécurité est passible d’une amende de 135 € et de la perte de 3 points. C’est le même tarif pour une queue de poisson, mais cette dernière peut être punie, en complément, d’un retrait de permis allant jusqu’à 3 ans. « Bruler » un feu rouge, un stop ou un cédez-le-passage, c’est également un PV de 135 €, mais assorti, cette fois-ci, de 4 points en moins. Un retrait de permis de 3 ans maximum peut, là aussi, être prononcé en sus de ces deux peines.
Mais les sanctions peuvent être encore beaucoup plus lourdes si elles ne sont pas directement liées à l’usage de l’automobile. Injurier un autre conducteur publiquement peut ainsi vous valoir jusqu’à 12 000 € d’amende. Le frapper entre sous le coup de sanctions pénales : 750 € s’il n’y a ni blessure, ni lésion, mais jusqu’à 3 ans de prison et 45 000 € d’amende si cela provoque plus de 8 jours d’arrêt de travail. Et c’est sans parler des conséquences en cas d’infirmité permanente (10 ans de prison et 150 000 € d’amende maxi.) ou de décès (jusqu’à 15 années d’emprisonnement).
Devenir agressif en conduisant n’est, heureusement, pas une fatalité. Ce comportement se manifeste ainsi beaucoup moins souvent et/ou beaucoup moins rapidement lorsqu’un conducteur est accompagné. Et c’est encore plus vrai lorsque les passagers sont ses propres enfants (dans ce cas, plus de 6 conducteurs sur 10 disent ne rien laisser paraitre de leur colère, selon l’étude de la Fundacion Linea Directa). Quasiment un conducteur sur deux déclare que risquer le retrait immédiat de son permis ou l’immobilisation de son véhicule aurait les mêmes vertus. Mais le plus efficace serait sans doute que la formation à la conduite inclue une formation à la courtoisie au volant. On peut également imaginer que des stages réguliers (organisés par les assureurs ?) permettraient de réintégrer périodiquement l’intérêt de rouler zen. Autre possibilité, simplement laisser passer le temps, l’agressivité au volant diminuant avec l’âge