Ces deux dernières années de crise sanitaire ont nécessairement ralenti l’activité du marché de l’auto de collection. Après plus d’une décennie d’emballement des prix et des volumes de ventes devenus hors norme, cette décélération a finalement été salutaire pour tous, notamment pour les acheteurs.
Les bouleversements intervenus ont-ils pour autant fait perdre à ces autos leur statut de valeur refuge ? Y a-t-il encore des opportunités sur le marché ? Et l’évolution des règles fiscales et de circulation va-t-elle influer sur ce “business” ? Réponses dans notre dossier.
Tandis qu’à force de restrictions de circulation et d’électrification, l’automobile moderne perd peu à peu de son charme, les modèles de collection font plus que jamais rêver. D’une part, il y a les jeunes générations qui trouvent que leurs lignes et leurs mécaniques sont bien moins aseptisées que celles des autos contemporaines. D’autre part, les moins jeunes y perçoivent des souvenirs de leur jeunesse ou de celle de leurs parents ou grands-parents. Les constructeurs ne s’y trompent d’ailleurs pas en exposant régulièrement, lors des salons, un exemplaire d’un modèle historique ou carrément en le réinterprétant. Pour la seule année 2021, on citera par exemple ce que Renault et Lamborghini ont respectivement fait avec la R5 et la Countach. En novembre dernier, le rendez-vous Époqu’auto qui se tenait durant 3 jours à Lyon a battu son record de fréquentation tandis que, quelques semaines plus tôt, le premier salon automobile européen de “l’après-Covid”, l’IAA de Munich, affichait pour sa part un nombre de visiteurs très similaire à celui de “l’avant”.
Le marché a repris des couleurs en 2021
Après une année 2020 marquée par un arrêt presque total en raison de l’annulation de la plupart des ventes aux enchères, 2021 a donné des signes très positifs pour les années à venir. Le succès des événements en tout genre (salons, bourses, rassemblements…) a été à la hauteur de leurs organisateurs, même si certains passionnés râlaient contre les mesures sanitaires prises, notamment en France. Lors des enchères, les taux de vente ont été particulièrement élevés et l’offre était souvent très prestigieuse. Il faut toutefois garder à l’esprit, comme le rappellent certains professionnels du secteur, que 2021 a été un millésime “deux-en-un”. Car nombre de vendeurs et d’acheteurs ont en effet attendu un retour à la quasi-normalité pour revenir sur le marché. Notons d’ailleurs que si les modèles accessibles au plus grand nombre ont le plus souvent vu leur prix être notablement supérieurs à ceux pratiqués en 2019, les modèles d’exception sont pour leur part plutôt partis à des valeurs situées dans la fourchette basse des estimations. Relevons tout de même le record 2021 décroché, au niveau mondial, par une McLaren F1 de 1995, adjugée 17,5 millions d’euros à Pebble Beach. Pour la France, c’est une Ferrari 250 GT Berlinetta Competizione qui a pris la marque, partie contre 6 192 500 € au Paul-Ricard. Au total, dans le monde, 200 autos auront été vendues plus d’1 million de dollars. Ce chiffre n’avait plus été atteint depuis 2017. Par ailleurs, on relève un très fort développement des ventes en ligne. Déjà largement répandue pour les modèles populaires et les youngtimers, cette formule séduit désormais les acheteurs de véhicules d’exception. Toutes les grandes maisons d’enchères mettent le paquet sur ce type d’offres, le plus souvent en développant leur propre plateforme.
La fiscalité des voitures de collection
Avant toute chose, il convient de préciser ce qu’est, au sens fiscal, une voiture de collection. Celle-ci doit avoir été immatriculée pour la première fois il y a au moins 30 ans, la fabrication de sa série doit avoir cessé et les caractéristiques d’origine du véhicule avoir été préservées. Cela est particulièrement important pour ceux qui ont été restaurés. Ce point impose en effet que le châssis et les pièces principales soient conformes à ce qu’ils étaient lors de la fabrication. S’ils ont été remplacés, ce doit être avec des pièces d’origine. Si une tolérance est accordée concernant certains éléments mineurs, un véhicule rétrofité pour recevoir une motorisation plus moderne, par exemple, ne sera jamais éligible au statut de collection.
Une imposition à l’achat allégée
Une opération réalisée entre deux particuliers résidant dans l’Union européenne n’appelle aucune taxation. En revanche, si l’achat se fait auprès d’un professionnel, qu’il soit français ou communautaire, ce dernier devra appliquer la TVA sur le prix de vente. Et les services fiscaux sont particulièrement regardants lorsqu’il s’agit d’une auto acquise dans un pays non membre de l’Union, ce qui inclut désormais le Royaume-Uni. Dans ce cas, il faudra verser la TVA à taux réduit (5,5 %) calculée sur le montant total de la facture d’achat. En revanche, une voiture de collection est exemptée des 10 % de droits de douane qui s’appliquent normalement à tout produit importé en Europe. Les mêmes règles prévalent si l’achat se fait par le biais d’une vente aux enchères. Par ailleurs, lorsque vous devenez propriétaire d’un (ou de plusieurs) véhicule de collection, celui-ci sera intégré à votre patrimoine au même titre qu’une œuvre d’art et entrera alors dans l’assiette de calcul de votre imposition. Pour mémoire, un tel bien était exclu du calcul de l’ISF (Impôt de solidarité sur la fortune), supprimé le 1er janvier 2018 pour être remplacé par l’IFI (Impôt sur la fortune immobilière qui, comme son nom l’indique, ne concerne que les biens immobiliers possédés par un contribuable). Sa possession n’était donc pas taxée. Enfin, si vous héritez d’un véhicule de collection, celui-ci sera soumis aux mêmes droits de succession que n’importe quel autre bien. La difficulté dans ce cas de figure réside généralement dans l’établissement de la valeur du véhicule. Par exemple, si ce dernier a été acquis lors d’une vente aux enchères, l’article 764-l-1 du Code général des impôts prévoit que son prix d’évaluation, c’est-à-dire le montant sur lequel seront calculés les droits de succession, sera égal à son prix d’achat. Toutefois, lorsque le contrat d’assurance fait état d’une valeur d’expertise supérieure à la valeur d’achat, c’est cette dernière qui est prise en compte pour le calcul des droits de succession.
Des plus-values de cession fortement taxées
Les choses se gâtent toutefois au moment de la revente. Celle-ci est en effet soumise à la taxe spéciale sur les ventes de métaux et d’objets précieux. Fixée à 6 %, elle s’applique quel que soit le canal de vente, c’est-à-dire qu’il s’agisse d’une opération de particulier à particulier, de particulier à professionnel ou par le biais d’une vente aux enchères. Elle se voit complétée de 0,5 % de cotisations sociales. Ces 6,5 % sont calculés sur le prix de vente ou, si l’auto est exportée hors de l’Union européenne, sur sa valeur déclarée en douane. Il s’agit d’un “forfait” qui prend en compte la plus-value, les frais de remise en état et de restauration qui auraient été supportés par le vendeur étant non déductibles. Il est également possible, pour un particulier, d’opter sous conditions pour le régime d’imposition de droit commun des plus-values. Les frais de restauration et de remise en état peuvent ainsi être déduits de la plus-value. Celle-ci sera alors soumise à l’impôt sur le revenu au taux proportionnel de 19 %. S’y ajoutent les prélèvements sociaux de 17,2 %. La plus-value “nette” sera donc taxée à hauteur de 36,2 %. Cette formule est intéressante lorsque la plus-value “nette” est faible. Elle est également favorable aux personnes ayant conservé longtemps leur véhicule. En effet, à partir de la deuxième année de possession, un abattement annuel de 5 % est appliqué (- 5 % après 2 ans, – 10 % après 3 ans, etc., jusqu’à – 100 % après 22 ans), mais uniquement sur les 19 % de taxe de l’impôt sur le revenu. Pour leur part, les 17,2 % de cotisations sociales restent dus, sauf au-delà d’une période de possession de 30 années révolues. Pour profiter de ce régime, il faudra de plus et entre autres avoir conservé tous les documents – notamment les factures – relatifs à la remise en état, à la restauration et à l’achat du véhicule. Un dossier incomplet exposera le propriétaire à l’acquittement des 6,5 % de la taxe spéciale sur la vente de métaux et d’objets.
Faut-il forcément passer en carte grise collection ?
Pouvant être accordée aux véhicules ayant, au minimum, 30 ans révolus, la carte grise de collection va forcément de pair, dans l’esprit de beaucoup, avec le statut du même nom. Pourtant, ce sésame n’offre pas que des avantages.
Les plus
1/ Elle dispense du contrôle technique pour les véhicules immatriculés avant 1960 et repousse l’échéance à 5 ans (contre 2 ans) pour les autres.
2/ Elle permet de s’affranchir des restrictions de circulation.
Ainsi, quelles que soient les règles applicables dans chaque Zone à faibles émissions (ZFE), un véhicule possédant une carte grise collection pourra circuler 7 jours/7 et 24 heures/24, hormis lors des pics de pollution.
3/ Elle permet de continuer à arborer des plaques d’immatriculation noires avec caractères chromés.
4/ Elle permet de “sauver” sa voiture en cas d’accident.
En effet, la procédure VGE (Véhicule gravement accidenté), qui permet à un expert d’immobiliser une auto et d’en interdire la vente, ne peut être opposée à un véhicule de collection.
5/ Elle permet de s’affranchir des procédures d’homologation.
Ces dernières sont extrêmement compliquées dans le cas d’un modèle n’ayant jamais été commercialisé – et donc homologué – dans l’Hexagone.
6/ Elle offre un gain sur l’assurance.
Les compagnies et mutuelles partant du principe que ce type de véhicule roule peu et est particulièrement soigné par son propriétaire, elles proposent donc des couvertures à des tarifs très séduisants au vu de l’accidentologie.
Les moins
1/ L’obtenir est fastidieux.
En plus des documents habituellement nécessaires à l’immatriculation d’une voiture, il faut compléter le dossier d’une attestation du constructeur ou de la Fédération française des véhicules d’époque (FFVE). Pour obtenir cette dernière, il faut que l’auto soit conforme au modèle d’origine selon la description du certificat de conformité ou du procès-verbal de réception à titre isolé.
2/ Elle interdit tout usage professionnel du véhicule.
Plus question, par exemple, de louer votre véhicule pour un tournage ou un mariage, même si vous en demeurez l’unique conducteur.
3/ Elle supprime la notion de vice caché.
Une voiture de collection est considérée comme un objet patrimonial et non pas comme un bien d’usage courant. Il convient donc d’être très prudent lors de l’achat car il n’y aura pas de possibilité de se retourner contre l’ancien propriétaire.
4/ Il est très difficile de revenir en arrière.
En théorie, repasser d’une carte grise collection à une carte grise “normale” est possible, à condition de faire réceptionner son auto à titre isolée par la direction régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement (DREAL, qui a remplacé la DRIRE). Dans les faits, ces dernières refusent systématiquement tous les dossiers qui concernent un véhicule de plus de 30 ans. De son côté, la FFVE indique qu’il est possible de faire machine arrière en s’adressant à l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS).
Les nouvelles “collectionnables”
Avec la multiplication de l’offre, le nombre de modèles susceptibles d’obtenir une carte grise collection augmente d’année en année. Dans les prochains mois, ce seront les autos commercialisées pour la première fois en 1992 qui pourront accéder à ce sésame. Et – cocorico ! – les françaises seront nombreuses cette année. Les amateurs de bombinettes tricolores pourront ainsi succomber aux charmes de la Peugeot 106 XSi, et ceux qui recherchent des modèles bien plus exclusifs seront servis avec la Venturi 400 Trophy et la monstrueuse Mega Track. Au chapitre des raretés figurent la Bugatti EB110 qui marqua la renaissance de la marque alsacienne, la Chrysler Viper RT/10 – première voiture de série dotée d’un V10 – et la McLaren F1. Les allemandes et les italiennes continueront à se tailler la part du lion avec le 30e anniversaire des BMW M3 E36, M5 Touring E34 et 850 CSi, des Ferrari 456 GT et 512 TR ainsi que de la Maserati Ghibli II. Plus raisonnables financièrement mais non dénuées d’intérêt, on trouve également parmi ces élues les Ford Escort RS Cosworth, Jeep Grand Cherokee (de préférence avec un V8 sous le capot), Volkswagen Golf et Corrado VR6, ainsi que les Volvo 850 dont les 5-cylindres sont toujours un régal. Enfin, si vous tenez vraiment à vous démarquer, vous pourrez opter pour une japonaise, qu’elle ait été officiellement importée (Mazda 323 GT-R et RX-7 type FD, Subaru Impreza GT Turbo) ou pas (Mazda-Autozam AZ-1 et Mitsubishi Lancer Evolution I).
Des youngtimers à fort potentiel
En parallèle du marché de la collection proprement dite se développe, depuis environ une décennie, celui des youngtimers. Il s’agit de véhicules âgés de vingt à trente ans, toutes motorisations confondues, trop récents pour être acceptés comme étant “de collection” par la Fédération internationale des véhicules anciens (FIVA), mais dont la cote peut obéir à peu près aux mêmes règles de fluctuation que celle des véhicules de collection. Souvent abordables, ces modèles sont la plupart du temps des versions spécifiques d’autos grand public. Parmi celles qui fêtent cette année leur 20e anniversaire, citons la Ford Mondeo ST 220 (dès 7 000 €), la Mini Cooper S type R53 (dès 5 000 €) ou encore la Toyota Corolla TS (dès 6 500 €). Mais bien sûr, ça reste les plus prestigieuses qui font le plus rêver. Méfiance tout de même car, si leurs prix sont attractifs, il ne faut pas oublier que ces voitures exigent des budgets d’utilisation (assurance, entretien, carburant…) élevés. Si vous êtes prêts à faire ces sacrifices, intéressez-vous à la première génération d’Audi RS6 Avant (dès 12 500 €), au Hummer H2 (dès 30 000 €), à la Nissan 350Z (dès 14 000 €) ou encore au premier opus du Porsche Cayenne (dès 20 000 € pour un Turbo). Autre point de vigilance : contrairement à la grande majorité des voitures de collection, ces autos n’ont pas toujours été entre les mains de propriétaires soigneux et ils ont fréquemment connu les affres du tuning. Les frais de maintenance et de remise en état peuvent donc rapidement atteindre plusieurs milliers d’euros.
Le business de la collection séduit constructeurs et concessionnaires
Depuis plusieurs années, certains constructeurs ont pris conscience de l’importance de la valorisation de leur patrimoine. D’une part car il leur permet d’asseoir leur légitimité, notamment lorsque l’on prétend vendre des voitures d’exception. D’autre part car ils y ont vu un centre de profit potentiel. Ainsi, Mercedes a ouvert il y a presque 30 ans son premier Classic Center. Sis à Fellbach, à quelques kilomètres seulement du siège social du groupe, ce lieu offre des services dignes d’une concession. On peut ainsi y acquérir des pièces détachées, y faire réparer voire totalement restaurer sa Mercedes, et même en acquérir une. Le showroom est à ce titre stupéfiant. Les véhicules exposés semblent avoir tout juste quitté les chaînes de production, y compris lorsqu’ils affichent plus de trois quarts de siècle au compteur, comme la 24/100/140 de 1924 actuellement proposée à la vente. Le gros de l’offre se concentre toutefois sur des modèles assemblés durant la période allant de 1960 à 2000. Mercedes met en avant le fait d’être le mieux placé pour remettre à neuf l’un de ses véhicules, notamment grâce à l’accès aux plans initiaux de chaque véhicule produit par l’Étoile depuis ses origines. La formule rencontre d’ailleurs un tel succès qu’un second Classic Center a été ouvert en 2006, à Irvine, en Californie, et qu’une cinquantaine de concessionnaires d’outre-Rhin sont désormais Classic Partner et donc en mesure d’offrir les mêmes prestations que les Classic Center. Au fil des ans, la formule s’est implantée dans notre pays. Ainsi, le centre technique Mercedes de Stains (93) abrite un Classic Center. Certains concessionnaires, tels que le groupe RCM, propriétaire des établissements Saga implantés dans le nord et l’ouest de la France, et GGE (Île-de-France) proposent des départements Classic. La marque à l’étoile a rapidement été copiée par ses concurrents, même si, à ce jour, aucun ne propose un panel de services et un réseau aussi dense qu’elle. Le plus souvent, les services se limitent à la fourniture de pièces détachées, l’entretien et la restauration des modèles historiques. C’est le cas notamment chez BMW et Porsche, qui proposent leur propre structure Classic à proximité de leur siège et décernent également ce label à certains de leurs concessionnaires.
Naturellement, les constructeurs allemands ne sont pas les seuls à être présents sur ce marché. Ferrari dispose d’un département Classiche depuis 2006, capable d’entreprendre la restauration totale d’un modèle et d’apporter l’assistance technique à un concessionnaire qui devrait entretenir l’une de ses précieuses autos. Le meilleur ennemi du Cheval cabré, Lamborghini, possède lui aussi cette antenne, baptisée Polo Storico. Quant à Maserati, il vient également de lancer son département Classiche.
Du côté des constructeurs généralistes, le mouvement est largement moins amorcé. Volkswagen est toutefois très actif sur ce marché, avec ses Classic Parts, des pièces détachées d’origine que tout un chacun peut commander sur le site internet dédié. Dans l’Hexagone, c’est l’Aventure Peugeot Citroën DS qui se charge d’expédier des pièces détachées issues du stock du groupe. La fabrication de certaines références manquantes, très demandées, est même régulièrement relancée.