La voiture qui se conduit toute seule, c’est un vieux serpent de mer. Dès les années 1950, les auteurs de science-fiction, mais également certains constructeurs férus de concept-cars futuristes, évoquaient cette possibilité. Mais, 70 ans plus tard, aucun modèle disponible à la vente ne peut se passer totalement d’un conducteur. Alors, quand la réalité atteindra-t-elle la fiction ?
Des contours pas encore totalement définis
Pour la plupart des administrations et des constructeurs automobiles, la conduite autonome se déroule autour de 5 niveaux, numérotés de 1 à 5.
Le premier concerne une large part des véhicules actuellement commercialisés en Europe. Il indique que la voiture est capable de contrôler ses mouvements vers l’avant, principalement grâce au régulateur de vitesse adaptatif et au freinage automatique d’urgence. Peuvent s’y ajouter des fonctions permettant une surveillance passive latérale (détecteurs d’angles morts, alerte au maintien dans la file…).
A partir du second niveau, l’auto est également capable de gérer ses mouvements latéraux, par exemple grâce au maintien actif dans la voie de circulation. Niveau maximal actuellement proposé par des voitures de série (comme le permettent les différentes législations), ce niveau 2 impose toutefois la vigilance permanente du conducteur. Sinon, le dispositif de conduite assistée se déconnecte après quelques dizaines de secondes. Certains modèles sont même alors capables de s’arrêter seuls sur le bas-côté.
A partir du niveau 3, la voiture est capable de gérer seule certaines phases de circulation, notamment les bouchons. Le conducteur est donc autorisé à vaquer à d’autres occupations (regarder un film sur l’écran central, lire ses mails…) mais doit être capable de reprendre le contrôle dès que le système le lui intime. Mercedes et Tesla viennent de recevoir l’homologation de tels dispositifs pour une utilisation sur route ouverte, dans des conditions, toutefois, assez restrictives.
A partir du niveau 4, la présence d’un conducteur n’est plus requise. Toutefois le véhicule ne peut évoluer que dans des zones de circulation définies.
La voiture 100 % autonome est celle atteignant le niveau 5. Pour bien mettre l’accent sur cette capacité, les prototypes présentés par les constructeurs et censés atteindre ce niveau sont d’ailleurs équipés d’un volant rétractable, voire de pas de volant du tout.
Si, sur le plan théorique, les choses semblent bien avancées, il reste toutefois à définir nombre de points légaux. Par exemple, lors des phases de conduite autonome, qui est responsable d’une infraction ou d’un accident ? Les niveaux actuellement autorisés apportent une réponse très claire à ces deux questions : puisqu’ils imposent la vigilance permanente du conducteur, cela est entièrement responsable devant la loi. A partir du niveau 3, les choses sont, pour le moment, beaucoup plus floues.
Où en est la voiture autonome ?
Les années 2010 ont été celles des concept-cars intégrant la conduite autonome. Rares étaient ceux à ne pas promettre de déambuler sans l’aide du conducteur. On nous promettait d’ailleurs de tels modèles en série à l’horizon 2020-2025. Nous sommes désormais en 2022 et, en ce qui concerne la voiture de Monsieur et Madame Tout-le-monde, la réalité est encore très éloignée de ces belles promesses. Une large part des modèles commercialisés proposent toutefois, parfois en option mais souvent en série, un dispositif répondant aux critères du niveau 2 de la conduite autonome. Les autos ainsi équipées sont capables, principalement sur autoroute, de rester dans leur voie de circulation, d’accélérer et de freiner, arrêt complet et redémarrage compris, en fonction de la densité de la circulation ou encore d’engager une manœuvre de dépassement, si les conditions le permettent, dès que le conducteur enclenche le clignotant.
En 2017, lors de la présentation de l’actuelle génération d’A8, Audi avait assuré de l’arrivée imminente d’un dispositif de conduite autonome de niveau 3. Baptisé AI Traffic Jam, il était censé permettre au conducteur de pouvoir lâcher le volant et laisser faire la voiture jusqu’à 60 km/h et sur les routes dotées d’un terre-plein seulement. Trois ans plus tard, la marque aux Anneaux fait marche arrière et annonce que l’AI ne sera pas déployé sur cette A8, officiellement faute d’une cadre légal précis concernant le niveau 3 de la conduite autonome.
Un pas en avant est toutefois fait en décembre 2021. Mercedes annonce alors que les autorités allemandes viennent d’homologuer son système de conduite autonome de niveau 3, en vertu de la norme UN-R157, entrée en vigueur en février 2021. Dans les prochaines semaines, il sera donc possible, dans les pays qui ont adopté une législation locale reprenant cette norme établie par les Nations Unies, de passer commande d’une Classe S ainsi équipée. Ce devrait être le cas d’ici à la fin de l’année en ce qui concerne l’Hexagone. Le constructeur allemand grille ainsi la politesse à Tesla, qui avait assuré pouvoir être la première marque à commercialiser un tel dispositif. Dans la foulée de Mercedes, le groupe BMW, associé avec le franco-italien Stellantis, proposera la conduite autonome de niveau 3 dès 2024.
Où va la voiture autonome ?
Après les belles promesses, le plus souvent formulées par les services marketing, voici le temps de la réalité des ingénieurs. Et ces derniers s’accordent tous sur le fait que la voiture 100 % autonome, ce n’est pas pour demain. D’ailleurs, dans l’état actuel de la législation, aucun constructeur ne semble prêt à s’y risquer, leur responsabilité pouvant être engagé en cas d’accident. Un pas en arrière que l’on retrouve dans les prototypes régulièrement présentés dans les salons automobiles et qui ne dépassent plus que rarement le niveau 4 de la conduite autonome.
Il faut également prendre en compte le déploiement d’importantes infrastructures afin que les autos capables de conduite autonome de niveau 5 puissent communiquer entre elles, mais également avec la signalisation. Cela passe principalement par un réseau 5G ultra-dense ce qui, à priori, n’est pas pour demain si l’on considère les nombreuses zones toujours privées de 4G. Il faudra également que le Lidar, une sorte de radar émettant des impulsions de lumière infra-rouge au lieu d’ondes radio et qui est indispensable à la voiture autonome, se démocratise quelque peu. Il faudra également que l’intelligence artificielle progresse dans sa capacité à reconnaitre des objets ou des êtres vivants afin d’analyser et de réagir justement à chaque situation.
D’autres points devront également être éclaircis comme la nécessité, ou non, d’être titulaire d’un permis de conduire avant de s’installer à la place du « conducteur ». Et quid des assurances ? Sans compter qu’il faudra convaincre les automobilistes car ces voitures seront (très) chères et signeront probablement la fin du plaisir de conduire son auto. Les transports en commun (train et avion sur les longues distances, bus voire auto-partage sur de courtes distances) n’ont-ils alors pas plus de sens ?
En l’état actuel des choses, il est donc fort probable que la voiture totalement automatisée demeure, pour plusieurs décennies encore, l’apanage des films de science-fiction. Des fonctions autonomes plus élaborées pourraient toutefois beaucoup plus rapidement être commercialisées, par exemple lors des trajets autoroutiers ou, pourquoi pas, pour faire circuler des taxis autonomes en ville.