J’inaugure ici une nouvelle série de billets : avec ce « Futur antérieur », c’est tout simplement l’histoire de l’innovation automobile que je vais tenter d’explorer. Une histoire riche et tourmentée, faite d’avancées technologiques spectaculaires, mais aussi d’impasses et d’échecs cuisants. La voiture à turbine se classe évidemment dans cette deuxième catégorie… même si elle pourrait revenir sous d’autres formes à l’avenir.
La voiture à turbine reste inextricablement liée au groupe Chrysler. Dès les années 30, les ingénieurs de la marque ont commencé à plancher sur l’adaptation de la turbine sur une automobile, mais les matériaux et la technologie n’étaient pas encore au point. Les affaires reprennent lorsque la Marine américaine confie à Chrysler la conception d’un turbopropulseur pour avion, fin 1945. Le contrat est dénoncé quatre ans plus tard, mais la firme au Pentastar ne jette pas l’éponge, et continue de travailler sur la turbine. Début 1954, Chrysler dévoile son premier prototype roulant, sous la marque Plymouth.
Sur le papier, la turbine ne présente que des avantages. De conception simple, elle compte cinq fois moins de pièces qu’un moteur à piston, nécessite peu de maintenance, ne vibre pas et fonctionne sur virtuellement n’importe quel carburant, que ce soit de l’essence, du gazole, du kérosène, de l’huile végétale ou encore… de la Tequila (le Président mexicain l’aurait paraît-il vérifié lui-même !). Et puis c’est une époque de révolution dans le transport aérien : les avions de ligne à réaction se développent à vitesse grand V (le De Havilland Comet entre en service en 1952, et le Boeing 707 effectue son premier vol en 1957). La conquête spatiale en est à ses débuts, et le président Kennedy prononcera son célèbre discours de Houston (« We choose to go to the moon… ») en 1962, donnant le coup d’envoi du programme Apollo.
Du coup, la turbine fait rêver… et l’on a tendance à minimiser ses défauts. Comme le temps de réponse à l’accélérateur, insupportable sur les premiers prototypes. Ou l’extrême chaleur des gaz d’échappement : mieux valait éviter de traverser la rue derrière une voiture à turbine ! La consommation était élevée et, en altitude, la turbine perdait de sa puissance (un comble !). Quant au bruit, il s’apparentait davantage à celui d’un aspirateur qu’à celui d’un avion de chasse. Pas facile à vendre, dans un pays colonisé par de glougloutants V8 ! Qu’importe, les ingénieurs travaillent à atténuer les défauts de la turbine et après la « Dream car » Turboflite, présentée dans tous les salons auto du monde, Chrysler décide en 1963 de confier une série de 50 voitures à turbine à des clients américains lambda à des fins de test grandeur nature. Produite en Italie chez Ghia, cette Chrysler affiche 130 chevaux et… 576 Nm de couple dès 0 tr/min.
Les 50 voitures sont prêtées à 203 utilisateurs pendant deux ans, puis elles feront le tour des expositions, universités et colloques… avant de finir pour la plupart au pilon. Dans les années suivantes, les nouvelles normes antipollution et deux chocs pétroliers donnent un coup de frein au projet. En proie à de grosses difficultés financières, Chrysler se voit contraint d’abandonner définitivement la turbine à la fin des années 70. La Chrysler-Ghia à turbine n’est plus qu’un lointain souvenir. Voici une vidéo officielle de 1963 expliquant son fonctionnement.
http://www.youtube.com/watch?v=jUf42Nv5GZY
Depuis cette époque, la turbine n’avait plus fait parler d’elle dans l’automobile… jusqu’à ce que Jaguar la ressuscite dans son concept-car C-X75. Les deux microturbines de ce coupé sportif n’en assurent pas la propulsion : elles se contentent de recharger les batteries de cette Jaguar hybride. Reste que la version de série, prévue pour 2012, remplacera ces turbines par un classique moteur à piston…
La turbine semble donc décidément condamnée à rester dans l’univers aéronautique !
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Joli petit article, mais si incomplète. Parmi les précurseurs vous auriez pu parler tout de même de la Socema-Grégoire pur produit français ! Cocorico. Et bien entendu NSU et Mazda.
Beaucoup de gens ne savent pas que ce dernier produit toujours des voitures à turbine !
Bonjour !
Houlà houlà ! Faire débuter (et finir) l’histoire des voitures à turbine par la Chrysler est, à tout le moins, une erreur …. Sans entrer dans le détail, rappelons que les premiers travaux sérieux remontent à la fin des années 40, chez le britannique Rover, qui sera le plus constant défenseur de cette technologie, au point d’engager -avec un succès certain= des prototypes dans les « 24 Heures du Mans », au début des années 60. Plus récemment, c »est la firme américaine Howmet qui a tenté l’aventure mancelle avec une turbine. Cet engin était, d’ailleurs, aux deux dernières éditions du « Le Mans Classic » ….
Votre lecteur auteur de la réaction N°2 a raison d’évoquer la Someca-Grégoire, mais oublie l’aventure de l’Etoile Filante signée Renault, qui fit beaucoup parler d’elle en 1956. Fiat a également commis une voiture utilisant la turbine, et Lotus a faillit s’imposer à Indianapolis grâce à cette motorisation. Et ainsi de suite ….
Pire, votre lecteur confond allégrement le moteur à piston rotatif et la turbine à gaz.
Vous êtes sûrs de la compétence de vos intervenants ? Moi, perso, ça me gêne un peu d’avoir affaire à ces sites internets bourrés d’âneries, de contre-vérité, et qui réécrivent l’histoire à partir d’erreurs monumentales.
Bien à vous,
R.Bougros
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