Comme l’ami David vous l’a rappelé dans un tout récent diaporama, la Mercedes SL fête cette année ses 60 ans. Mais j’avais moi aussi envie de lui rendre hommage ! Ce blog étant consacré à l’innovation technologique, et cette rubrique Futur antérieur à l’histoire de ces innovations technologiques, il était indispensable de s’intéresser à la toute première SL. Commercialisée de 1954 à 1957 en version coupé, et jusqu’en 1963 dans sa déclinaison roadster, la Mercedes 300 SL était en effet un Ovni sur roues. Née pour la compétition, adaptée pour la route, elle avait plusieurs décennies d’avance sur ses rivales. Tout chez elle était révolutionnaire : son style, bien sûr, mais aussi son châssis et son moteur. Soixante ans après, la 300 SL reste l’une des plus belles pépites jamais produites par Mercedes.
Tout commence en 1951, lorsque Rudolf Uhlenhaut, directeur du développement des voitures particulières et pilote émérite, est chargé de mettre au point une voiture de course afin de relancer Mercedes dans l’univers de la compétition. Uhlenhaut reçoit pour instruction de réutiliser un maximum d’éléments des voitures de tourisme de la marque, afin de renforcer le lien entre véhicules de production et voitures de course. Il ne suivra ces instructions qu’à moitié : s’ils reprennent le 6 cylindres des limousines 300 « Adenauer », les ingénieurs placés sous sa direction le retravaillent en profondeur, avec une culasse en aluminium démontable, trois carburateurs inversés Solex et une boîte quatre vitesses entièrement synchronisée. Le bloc est incliné de 50 degrés vers la gauche, et placé dans un sublime châssis-cage composé de minuscules tubes soudés en triangles. Développée en un temps record, cette 300 SL W194 décroche dès 1952 un doublé aux 24 Heures du Mans et une victoire à la Carrera Panamericana. Ces succès retentissants redorent le blason de Mercedes… qui aurait pu en rester là sans l’influence d’un certain Max Hoffman.
Né en Autriche en 1904, Maximilian Edwin Hoffman s’installe aux États-Unis peu après le début de la Seconde guerre mondiale. Fin connaisseur du marché automobile local, il se fait rapidement le spécialiste de l’importation des voitures européennes, dont les Mercedes dont il est le distributeur officiel. La 300 SL W194 de course le séduit tellement qu’il se rend à Stuttgart pour demander à Mercedes d’en développer une version routière. Persuadé du potentiel commercial de l’auto, Hoffman passe 1 000 commandes fermes ! La firme s’exécute, et la 300 SL W198 est présentée en première mondiale au salon de New-York, le 6 février 1954. Elle coûte alors 29 000 Marks, soit plus du double des berlines 6 cylindres W180 : une fortune ! Son style est à tomber par terre, mais le plus étonnant se cache sous la sublime robe. Les portes papillon ne sont pas là pour faire joli : le châssis tubulaire de la W194, très rigide et ultra-léger (50 kilos !), a été conservé, or il impose des seuils de porte surélevés. Les « gullwings » sont un élégant moyen de dégager l’accès à bord !
Le moteur a été retravaillé. Le six-cylindres est le premier moteur de série à recevoir une injection directe d’essence, ce qui permet d’augmenter sa puissance, qui passe de 175 à 215 chevaux. Suivant la démultiplication finale employée, la 300 SL pouvait en théorie atteindre 260 km/h, même si la vitesse la plus élevée jamais mesurée fut 247,5 km/h… ce qui en faisait tout de même la voiture la plus rapide de son temps. Pour assurer plus de stabilité à haute vitesse, des « sourcils » sont intégrés à la verticale des passages de roues, preuve d’une vraie étude aérodynamique. Grâce au châssis tubulaire et aux ouvrants en aluminium, la 300 SL ne pèse que 1 310 kilos à vide (voire 1 180 kg pour les 30 exemplaires à carrosserie entièrement en aluminium !). Les suspensions à roues indépendantes assurent un excellent comportement routier, même si l’essieu arrière à bras oscillant se montre instable en appui sur routes dégradées à cause des brutales variations de carrossage.
Au total, 1 700 coupés 300 SL seront produits, auxquels viendront s’ajouter, de 1957 à 1963, très exactement 1 858 roadsters. Outre un châssis modifié pour accueillir des portes traditionnelles, les 300 SL roadster bénéficiaient également d’un train arrière amélioré et de quatre freins à disques (à partir de mars 1961). Cette version découvrable était d’ailleurs celle que Max Hoffman attendait depuis le début, connaissant la passion de la clientèle américaine pour la conduite cheveux au vent. L’importateur avait vu juste : la série W198 a été un franc succès ! Aujourd’hui encore, la Mercedes 300 SL est une auto particulièrement prisée : n’espérez pas en toucher une à moins de 400 000 € (pour un roadster)… et comptez plus de 600 000 € pour l’un des rares coupés à caisse en aluminium !
J’ai eu pour ma part la chance de conduire un roadster 300 SL sur une centaine de kilomètres il y a quelques années. J’en garde encore un souvenir ému ! Le moteur 6 cylindres est une splendeur de souplesse, d’agrément, de musicalité. Quant au comportement routier, il laisse tout simplement rêveur : l’auto apparaît agile et équilibrée… même aux standards actuels. Mes confrères des années cinquante n’en revenaient d’ailleurs pas : un essayeur du magazine américain Road & Track qualifiait ainsi l’efficacité du châssis de « presque terrifiante » ! À vrai dire, seuls les freins (très justes) et l’ergonomie datée (position de conduite, grand volant) rappellent que vous conduisez une auto qui va sur ses soixante ans. Quel engin !
j’ai eu 300SL roadster de 61 sur la quelle j’avais fait monter des freins a disque ,c’etait une voiture extraordinaire et surtout ce qui etait exceptionel pour l’epoque tres confortable grace aux roues independantes si on veut ; en realite il s’agissait d’un essieu brisé qui faisait qu’elle etait a moitié independante ,un moteur sublime tres progressif ,pas du tout comme une 275GTB que j’ai eue plus tard et qui avait des effets de couple dus certainement aux carburateurs: 6 double corp weber dont l’aspiration m’envoutait par rapport a la 300SL beaucoup plus discrete avec son injection directe qui faisait un bruit de machine a coudre le capot levé !
Je ne suis pas un specialiste- mais j ai toujours adoré cette voiture et je lis vos commentaires comme un roman.
Bravo pour ce très bon article sur cette voiture d’exception qui a fait rêver l’enfant puis l’adolescent que j’étais ( nous sommes nés la même année). Ces voitures d’exemption que nous rencontrons à l’aube de notre vie forgent dans notre inconscient une image de la voiture idéale. C’est probablement ce qui fait que la maturité et les moyens venus j’ai choisis une Mercedes pour assouvir ma soif de voiture de légende!
Je n’ai entretenu des relations passionnelles qu’avec deux voitures: la première (une 2cv Citroën) et ma Mercedes!
Merci pour l’article.
on oublies souvent les déclinaisons que j’ai vu dans ma jeunesse, (1960-61) celle des années soixante.
C’était l’auto parfaite pour cotoyer les corvettes, les ferraris de mon bas âge au club sportif. Au Québec, cette voiture passait pour un Objet non-identifié (ONI), c’était drôle de voir la tête des badauds.
Ah les souvenirs de la petite enfance.
Amoureux depuis l’âge de 19 ans(1969) des voitures anciennes ..J’ai possèdé traction 11BL
Lancia aurélia, Osmobile coupé Cutlass 1962, et surtout Alfa Roméo 2600 cabriolet Touring 1963 Et puis, en 1973, on me propose un cabriolet Mercédes 300SL 1956, le fameux pour 10 000 frs …A l’époque je n’ai pas eu les moyens, malgré l’insistance auprès de mon entourage pour emprunter la somme .. sachant la valeur future … Dommage
Merci, Steeves pour ce commentaire de « passionné réaliste » : les Mercedes des années 50 ont souvent été plus efficaces de leur temps, mais n’ont jamais eu le charme des concurrentes : sonorité, ligne, palmarès de la marque dans d’autres catégories…
la 300SL m’a toujours fassiné