Voulu comme une alternative plus écologique et plus économique aux Super et Gasoil, l’E85, ou Bio-éthanol, recommence à faire parler de lui après une tentative ratée de s’imposer il y a une dizaine d’années. Mais que se cache réellement derrière les discours lobbyistes ?
Enfin une troisième offre ?
Depuis des décennies, le marché des carburants automobiles est la chasse gardée du super sans-plomb, qu’il soit 95, 98 ou E10, et du Gasoil. A plusieurs reprises, de nouveaux carburants ont tenté d’emporter une part significative du marché. Celui qui a sans doute le mieux, tout étant relatif, réussi dans cette mission est le GPL, ou Gaz de Pétrole Liquéfié. Mais le soufflet est vite retombé, notamment parce que la législation européenne impose que les voitures utilisant ce carburant soient également capables d’utiliser du sans-plomb. Deux réservoirs sont donc indispensables, ce qui se fait généralement au détriment du volume de coffre. Sans oublier la mauvaise réputation qu’a ce carburant auprès de pas mal de Français, à cause d’une poignée d’accidents.
Dans la seconde partie des années 2000, c’est l’E85 qui a fait son apparition. Utiliser de l’éthanol dans des moteurs de voiture n’a rien d’une idée nouvelle. Le parc brésilien est ainsi majoritairement composé de modèles flexfuel, c’est-à-dire capables d’utiliser indifféremment de l’éthanol (au Brésil, on utilise de l’E100, c’est-à-dire de l’éthanol pur, sans aucune goutte de pétrole contrairement à notre E85, qui contient au moins 15% de sans-plomb) ou du super sans-plomb. Mais les pétroliers et les constructeurs n’ayant pas joué le jeu (peu de pompes, presque aucun modèle usine), les ventes n’ont pas décollé. Depuis le Dieselgate, une part croissante d’automobilistes recherche toutefois un carburant plus écologique que le Gasoil, mais bien moins coûteux que le Sans-plomb. La Loi autorisant l’installation, à certaines conditions, d’un kit permettant à une voiture essence d’utiliser l’E85, pourrait donc bien être le déclencheur qui permettra à ce carburant de s’imposer dans l’Hexagone.
Parlons technique
Quelle offre en neuf ? Pour le moment, c’est la portion congrue puisque seul Ford propose un modèle : le Kuga. Au-delà du prix du carburant, l’intérêt n’est pourtant pas minime puisque les voitures équipées flexfuel bénéficient d’un abattement de 40% sur leurs rejets de CO2. Ainsi, une auto homologuée à 150 g/km en essence (1 613 € de malus) le sera à 90 g/km en E85 (0 € de malus).
Est-ce compliqué ou couteux, pour un constructeur, de développer un moteur capable de consommer du E85 ? Ni l’un, ni l’autre. Concernant le premier point, toutes les marques proposant leurs véhicules au Brésil ont déjà de telles mécaniques au point. A propose du second point, le surcout du Kuga E85 par rapport à la version purement sans-plomb n’est que de 100 €.
Puis-je utiliser du E85 dans ma voiture actuelle ? Il faut, bien sûr, que ce modèle soit doté d’un moteur essence. S’il est doté d’un système d’hybridation (Toyota Prius…) ou d’une bi-carburation, au GPL par exemple, c’est également possible. Ensuite, pas question d’utiliser du bio-éthanol directement, ou alors dans des proportions minimes (moins de 25% du plein). Pour utiliser entièrement ce carburant sans risque, il faut équiper votre voiture d’un kit E85 homologué. Ce dispositif, dont les prix varient entre 700 et 1 500 €, permet au calculateur de s’adapter à l’utilisation de ce carburant.
Quelles autos peuvent-être équipées d’un kit E85 ? Techniquement, tous les moteurs, ou presque, pourraient être adaptés. Mais le législateur a fixé quelques limites. Ainsi, seules les autos répondant, au minimum, à la norme anti-pollution Euro 3 (depuis le 1er janvier 2000 pour les nouveaux modèles et le 1er janvier 2001 pour toutes les voitures vendues en Europe) et dont la puissance fiscale est de 14 CV maximum peuvent légalement être mariées à un tel kit.
Où trouver des kits homologués ? A ce jour, seuls quatre fabricants proposent des kits homologués en France : ARM Engineering, Bio Motors, Borel et Flexfuel. Installer un kit non-homologué vous expose à de graves sanctions en cas de contrôle, notamment lors du contrôle technique, voire à des dommages mécaniques majeurs.
En cas de problème, qui est responsable ? Tous les boitiers homologués sont livrés avec un contrat de garantie. Celui-ci couvre les éléments sur lesquels l’utilisation du bio-éthanol peut influer. En gros, le moteur et ses périphériques. Si votre voiture est toujours couverte par une garantie constructeur, celle-ci n’est plus valide pour ces derniers éléments, la garantie du fabricant du kit prenant le relais. En revanche, si votre auto rencontre un souci qui ne peut pas être mis en lien avec l’usage de E85 (problème de peinture, de toit ouvrant…), le constructeur reste responsable de la remise en état.
Parlons argent
En roulant à l’E85, on fait vraiment des économies ? En date du 9 juillet 2019, le SP95-E10 vaut, en moyenne, 1,489 €, contre 0,679 € pour l’E85. Même en tenant compte de la légère surconsommation inhérente (+ 7% en moyenne) à l’utilisation de ce dernier, le jeu en vaut la chandelle. Ainsi, une auto qui consomme 7 l/100 km aura un coût carburant de 10,42 € tous les 100 km. En utilisant du bio-éthanol, sa consommation passera à 7,5 l/100 km, mais le budget E85 ne sera que de 5,09 € aux 100 km. Avec un kit acheté 1 000 €, l’amortissement ne nécessitera que 18 762 km.
Comment être certain que le prix du E85 ne grimpera pas subitement ? Le Gouvernement a établi une feuille de route concernant la taxation du carburant qui court jusqu’en 2023. Selon cette dernière, l’impact sur l’E85 sera minime (+ 0,05 € dans le pire des cas). Au-delà, augmenter fortement les taxes sur ce carburant n’aurait aucun sens, et serait même contradictoire avec les objectifs de réduction de la pollution routière.
Rouler au E85 est-il source d’autres économies ? Dans tous les cas de figure, convertir sa voiture au bio-éthanol permet d’obtenir un « rabais » de 40 % sur ses émissions de CO2 homologuées, ce qui permet, dans la plupart des cas, de supprimer totalement le malus écologique, soit jusqu’à plusieurs milliers d’Euros gagnés à l’achat. En complément, les régions Grand Est, Hauts de France et Provence Alpes Côte d’Azur offrent une prime comprise entre 250 et 300 € à l’installation d’un kit E85. Hormis les régions Centre Val de Loire et les départements d’Outre-mer, toutes les collectivités offrent un rabais significatif sur le prix de la carte grise. Il est de 50 % en Bretagne et en Picardie, et de 100 % partout ailleurs.
A la revente, la présence d’un kit flexfuel n’est-il pas un handicap ? Le marché des véhicules E85 est encore très marginal, il est donc difficile de se prononcer. En tout état de cause, il n’y a aucune raison pour qu’une voiture dotée d’un système légal permettant de diviser son budget carburant par deux trouve difficilement preneur. D’autant que la présence d’une telle installation n’a pas, d’après les premiers retours de possesseurs, d’influence néfaste sur la fiabilité. Dans le pire des cas, cette conversion n’est en rien définitive : il est tout à fait possible de faire démonter ce kit par un professionnel et de récupérer une carte grise « essence ».
Question subsidiaire : affame-t-on le monde en roulant au E85 ? C’est une vieille croyance qui est aujourd’hui sans fondement. D’une part, parce que l’E85 utilisé dans l’Hexagone, et qui y est presque totalement produit (ce qui permet de limiter les rejets de CO2 liés au transport), utilise des déchets végétaux, c’est-à-dire des plantes ou des parties de plante impropres à la consommation humaine. D’autre part, parce qu’une infime partie des surfaces agricoles françaises (moins de 1%) est utilisée pour la production de bio-éthanol.
La surconsommation est sous estimée: Possesseur d’une Golf VII phase 2 multifuel, je la chiffre entre 20 et 25% de plus. Mais pourquoi diable les constructeurs qui vendent des voitures au Brésil ne proposent pas en France ce type de motorisation? Volkswagen a , par ailleurs, jeté l’éponge…
J’ai fait équiper une Alfa-Romeo Giulietta 1L4 170CV d’un kit en avril 2019, et depuis j’amortis l’installation (930€). Mais d’ici quelques jours j’aurai fait 15 000 km et je commencerai à économiser.
J’avais envie d’une alternative au diesel sachant que je fais pas loin de 30000km par an. En moins de 9 mois c’est amorti ! Et j’ai le plaisir d’une essence, d’autant que j’ai gagné un peu de punch avec ce carburant. Pour moi la sur-consommation est de l’ordre de 5 à 10%. Donc les 7% de l’article me paraissent OK.
Comme il est écrit dans le commentaire le seul équipé est le Ford Kuga ce qui revient à dire que tu l’a dans le cul gars !!!