Depuis des années, on nous assure que la voiture électrique, accessible au plus grand nombre, c’est pour bientôt. Mais force est de reconnaitre que, jusqu’à présent, peu d’automobilistes se sont laissés séduire. Et si 2020 marquait, enfin, le vrai début de cette révolution ?
Aussi vieille que l’automobile elle-même
Si les pouvoirs publics, notamment français, ne semblent s’intéresser à la voiture électrique que depuis quelques années, pour les constructeurs, c’est loin d’être une lubie récente. Ainsi, la Jamais Contente, première voiture à avoir dépassé, en 1899, le seuil des 100 km/h, fonctionnait déjà grâce à cette énergie. Le premier prototype d’une voiture électrique recensé date même de 1836. En 1900, il circule aux Etats-Unis presque deux fois plus de véhicules électriques que de modèles fonctionnant à l’essence. Mais, rapidement, ces derniers supplantent les premiers, et la voiture électrique disparait presque totalement des rues. Les années 1990 marquent un tournant. Depuis les crises pétrolières des années 1970, les constructeurs cherchent, en effet, à s’affranchir du pétrole, coûteux et dont l’approvisionnement n’est pas totalement sécurisé pour la majeure partie des pays occidentaux. Ainsi, nombre de prototypes sont présentés, comme la Renault Zoom, en 1992. Puis, en 1995, on voit apparaitre des voitures françaises de « série » sur base des Citroën AX, Peugeot 106 et Renault Clio. Mais celles-ci sont presque exclusivement utilisées par des flottes. En 2009, Renault annonce officiellement qu’il lance un programme d’envergure pour la production et la commercialisation de modèles électriques à destination du grand public. Un programme qui donnera naissance aux Fluence ZE (2011), Kangoo ZE (2011), Twizy (2011) et Zoé (2012). Si les ventes demeurent relativement confidentielles (environ 1% de part de marché en France en 2018, environ 1% du parc mondial à la même date, tous véhicules confondus), elles progressent néanmoins constamment. Et les révolutions technologiques annoncées devraient consolider ce mouvement.
Une offre qui s’élargit en permanence
Si l’on exclut les tentatives infructueuses de Citroën, Mitsubishi et Peugeot, le premier constructeur à avoir proposé, avec succès, des modèles électriques abordables en Europe est Renault. Une exception car, comme c’est presque toujours le cas s’agissant d’une nouvelle technologie, celle-ci est arrivée par le haut du marché. Parmi les modèles les plus populaires, au moins en ce qui concerne la notoriété, on trouve évidemment Tesla. Dès 2008, elle propose le Roadster, établi sur la base de la Lotus Elise. Une auto dont le succès restera confidentiel (2 500 exemplaires vendus en quatre années de carrière). Le véritable succès arrive en 2012, avec la Model S. Mais, avec un tarif de base qui dépasse les 80 000 €, impossible de parler de modèle grand public. Le constructeur californien a toutefois fait des efforts au fil des ans en proposant les Model 3 (à partir de 42 500 € en France) et Model Y (dès 58 000 € dans l’Hexagone, livrable, au mieux, à partir de 2021). Dans la foulé de Renault et de Tesla, quelques constructeurs allemands se sont, timidement, lancés dans la bataille. Le Mercedes B 250 e, commercialisé à partir de 2012, se fera ainsi très discret sur les routes du Vieux Continent, mais aussi en Amérique du nord. En 2013, BMW crée sa sous-marque BMW i qui propose deux modèles, la citadine i3 et le coupé i8. Là encore, ces deux modèles, volontairement très originaux, et couteux à cause de leur structure faisant largement appel au carbone, ne seront pas de grands succès commerciaux. Même Smart, dont la première génération de Fortwo électrique date de 2009, et Volkswagen, qui lance la e-Up ! en 2013 et la e-Golf en 2014, se révèleront incapables de marcher sur les plates-bandes de Renault. 2019 marque toutefois un tournant outre-Rhin, avec la présentation d’une floppée de nouveautés 100% électriques. La plupart reste inaccessible au commun des mortels (Audi e-tron, Mercedes EQC, Porsche Taycan), Volkswagen entend bien devenir, d’ici à quelques années, le leader mondial de ce marché naissant avec sa nouvelle gamme I.D. dont le premier avatar, l’I.D. 3, pendant électrique de la Golf même si les deux autos ne partagent rien, sera présenté à Francfort en septembre. Aujourd’hui, cette place de n°1 mondial du véhicule électrique est tenu par Nissan dont la Leaf, qui en est à sa deuxième génération, remporte un succès enviable en Amérique du nord, en Asie mais aussi en Europe.
Spécialistes de la voiture populaire, les marques françaises ont toutefois décidé de frapper encore plus fort cette année. A tout seigneur, tout honneur, Renault vient de dévoiler la deuxième génération, en réalité une version profondément restylée de la première, de la Zoé qui sera commercialisée avant la fin de l’année. PSA riposte, enfin, avec 4 modèles : deux citadines (Peugeot e-208 et Opel Corsa-e) et deux SUV citadins (DS 3 Crossback e-Tense et Peugeot e-2008).
Aujourd’hui, rares sont les constructeurs généralistes à ne pas avoir de projet du genre dans leurs cartons. Les clients ne devraient donc rapidement n’avoir que l’embarras du choix, et, ce, à tous les niveaux de gamme.
Des infrastructures encore insuffisantes
A en croire les automobilistes, les trois principaux freins à l’achat d’une voiture électrique serait le tarif, le temps de recharge et le manque d’infrastructures permettant cette dernière opération. L’arrivé des modèles plus abordables cités précédemment devrait rapidement venir à bout du premier obstacle. D’autant que tant que le bonus écologique de 6 000 € sera maintenu, les voitures électriques s’affichent à des prix finaux proches de ceux des versions thermiques. En tenant compte des moindres frais liés à l’énergie, à l’entretien, mais aussi, dans certains cas, à l’assurance, l’amortissement d’un modèle électrique n’a plus rien d’utopique. De quoi convaincre largement au-delà du cercle, forcément restreint, des écolos-convaincus.
Pour venir à bout des temps de recharge à rallonge, il faudra, en revanche, prendre son mal en patience. Les choses se sont pourtant largement améliorées au fil des années. Avec l’avènement des bornes de recharges, qu’elles soient individuelles ou collectives, la plupart des modèles « font le plein » en 3 à 4 heures là où une prise standard exige 10 à 12 h… voire plus d’une journée dans le cas de batteries de très forte capacité comme celles qu’utilise Tesla. Dans l’espace public (villes, stations-services…), il est également de moins en moins rare de trouver des bornes de recharge à haute puissance. Celles-ci permettent de redonner 300 à 500 km d’autonomie en 25 minutes. Mais attention, tous les modèles ne sont pas compatibles avec ces bornes de dernière génération. Les mieux lotis en la matière restent les propriétaires de Tesla puisque le constructeur a installé son propre réseau de charge, les Superchargeurs, réservé aux possesseurs de voitures de la marque. Accessibles gratuitement ou contre paiement en fonction du modèle possédé et de sa date d’achat, les Superchargeurs permettent de retrouver 120 km d’autonomie en 5 minutes, et de faire passer le niveau de charge de 20% à 80 % en un quart d’heure. Par ailleurs, des ingénieurs travaillent aujourd’hui à de nouvelles générations de batteries, dont on peut espérer qu’elles se démocratiseront à l’horizon 2025-2030, qui permettront 1 000 km d’autonomie et pourront se charger en quelques minutes. Si ces technologies tiennent leurs promesses, les temps imposés pour la recharge ne seront pas plus long que ceux nécessaires aujourd’hui pour faire le plein de sans-plomb ou de gasoil.
Avant d’en arriver là, il faudra toutefois que le nombre de points de recharge augmente considérablement. Car si les possesseurs de pavillon peuvent facilement faire installer une borne chez eux, c’est beaucoup plus compliqué pour ceux qui vivent en logement collectif, voire carrément impossible s’ils ne possèdent pas de place de parking. Et c’est le cas de la majorité des urbains, alors que la voiture électrique se justifie encore plus pour eux que pour les ruraux. A ce jour, plus de 25 000 points de recharge publics sont installés en France. Un chiffre qui devrait passer à 45 000 d’ici à la fin de l’année 2020. Même si ce déploiement parait conséquent, il risque toutefois d’être insuffisant si les ventes de voitures électriques augmentent autant que ce qu’espèrent les acteurs de ce marché. Et l’objectif fixé par le Gouvernement (100 000 bornes en 2022) parait difficilement atteignable.