Automobile et patrimoine

La décennie qui vient de s’achever a été marquée par un emballement des valeurs des véhicules de collection. Au point que, comme au tournant des années 1980 et 1990, ce marché est devenu, pour beaucoup d’investisseurs, une valeur refuge. Une situation qu’ont déplorée tous les véritables amoureux d’automobiles anciennes. Appelée de leurs vœux, une accalmie se profile-t-elle pour 2020 ?

À l’heure où l’automobile moderne n’a plus que l’hybridation et l’électricité « à la calandre », la voiture de collection fait de plus en plus rêver le public, qu’il soit grand ou averti. Une preuve en a été apportée lors de la dernière édition du salon de Francfort en Allemagne, en septembre dernier, où un hall entier lui était consacré. On y trouvait des modèles d’exception tels que la Mercedes 300 SL à portes papillon ou la Maserati 300S-R de 1966. Mais les autos populaires, à l’instar de la Victoria Spatz de 1956 ou la BMW 600 Isetta de 1958, y avaient également leur place. Elles apportaient ce que les nouveautés des constructeurs exposées par ailleurs ne semblaient pas capable d’amener : une part de rêve. Et ce rêve semble devenir de plus en plus accessible ou, du moins, de plus en plus partagé. Ainsi, on observe une très nette augmentation des ventes de modèles accessibles (moins de 20 000 euros). À l’inverse, se défaire d’une auto valant 100 000 euros ou plus devient de plus en plus délicat. Seules exceptions, les modèles rarissimes qui s’échangent toujours contre plusieurs millions d’euros.

La perle rare trouve-t-elle toujours preneur ?

En matière de record, la vente Artcurial qui a eu lieu lors du salon Rétromobile l’année dernière est un exemple. Dix modèles ont battu leur précédent record de prix de vente. C’est surtout l’Alfa Romeo 8C 2900B Touring Berlinetta de 1939 qui aura marqué les esprits, atteignant 16 745 000 euros. Autre démonstration de cette folie, la Serenissima Spyder de 1966 proposée lors du même événement. Estimée entre 1,3 et 1,8 millions d’euros, elle a trouvé preneur contre 4 218 800 euros. Cette vente a également permis de remarquer que certains modèles récents pouvaient s’échanger à prix d’or, comme cette Mercedes SLR Stirling Moss Edition de 2009, vendue 2 617 200 euros. La même maison s’est distinguée, fin octobre, avec des autos plus abordables, à défaut d’être populaires, mais presque aussi rares. Ainsi, il fallait mettre sur la table 107 300 euros pour un Volkswagen Combi Samba (la version dotée de 23 fenêtres) ou 122 800 euros pour une Ferrari 308 GTB Vetroresina. À la vue de ces chiffres, tout semble aller pour le mieux. Ce serait oublier que, lors de la même vente, le clou du spectacle, une Fiat 8V de 1953, n’a pas trouvé preneur. Et au fil des mois de 2019, les invendus se sont d’ailleurs accumulés : Darmont Sport Type STR de 1926, Bugatti Type 57 de 1937, Delahaye 135 M Cabriolet « Grand Luxe » Chapron de 1938… Bien sûr, selon les principales maisons d’enchères, le taux d’invendus est toutefois en baisse. Mais cela est dû à une réduction importante du nombre de voitures proposées à la vente (- 20 % environ entre 2018 et 2019). Et de l’avis des spécialistes interrogés, que certaines autos soient restées sur les bras de leurs propriétaires étaient inimaginables il y a encore deux ans.

Acheter à un professionnel ou à un particulier ?

Voilà une question à laquelle il est difficile d’apporter autre chose qu’une réponse ambivalente, chaque formule ayant ses avantages et ses inconvénients. Confrontons-les :
Le professionnel. Le boom du marché de la voiture de collection incite de plus en plus d’entreprises à se lancer sur ce marché. Si la plupart reste des structures de petite ou moyenne taille, certains constructeurs ont eux-mêmes investi cette niche. L’exemple le plus marquant étant sans doute celui de Mercedes qui propose, dans deux points de vente aussi raffinés que les concessions de la marque (l’un à Stuttgart, en Allemagne, l’autre à Irvine, en Californie), des autos dont la plupart ont entre 20 et 60 ans. Image de marque oblige, toutes sont dans un état aussi proche du neuf que possible… et proposées à des tarifs supérieurs à la moyenne du marché. Ces deux caractéristiques résument à elles seules les professionnels de la voiture de collection. En parallèle, certains concessionnaires du réseau “véhicules neufs” ont également ouvert un département consacré aux anciennes. Toujours chez Mercedes, il est par exemple possible de se tourner vers le département Classic de G.G.E en Essonne ou celui de Saga à la Roche-sur-Yon, représentants de la marque à l’étoile. Dans ce cas, pour un novice, le risque de tomber sur un mauvais numéro est quasiment inexistant et l’historique de l’auto se montre généralement limpide, ce qui permet à la plupart de ces modèles d’être cédés avec une garantie. Les professionnels ont également vocation à vous conseiller sur les voitures qui vous correspondent le mieux en fonction de l’usage que vous en ferez et du budget que vous êtes prêt à y consacrer, les coûts de maintenance et de réfection pouvant rapidement dépasser ceux de l’achat.
Le particulier. Ce terme paraît presque péjoratif dans le cas de la voiture de collection. Il serait plus approprié de parler de “passionné”. Qu’il soit possesseur d’une ou de plusieurs autos de collection, il entretient toujours un lien particulier avec elles. Généralement, celles-ci ont passé plusieurs années dans son garage et il vous en parlera avec les mots d’un amoureux. Ce canal offre un choix plus important de modèles à la vente, surtout en ce qui concerne les voitures populaires qui n’assurent pas de marges suffisamment confortables aux professionnels. Enfin, le plus souvent, le propriétaire aura lui-même mis les mains “dans le cambouis”. Il ne sera donc pas avare en conseils pour maintenir l’auto au meilleur de sa forme sans avoir recours aux coûteux services d’un atelier spécialisé. Toutefois, si vous n’êtes pas très calé mécanique, il sera préférable de faire appel à un expert indépendant (liste sur experts-auto-independants.com) qui, contre quelques centaines d’euros, vérifiera l’intégralité de l’historique de la voiture qui vous tente et vous mettra en garde contre d’éventuels défauts et futures pannes. Enfin, privilégiez les exemplaires ayant appartenu au membre d’un club de marque, auprès duquel vous pourrez vous informer. En outre, ce sera le plus souvent un gage supplémentaire sur la transparence et la qualité du véhicule que vous convoitez.

Quand les constructeurs se lancent sur le marché de la pièce de collection

Cela paraissait inimaginable il y a encore quelques années. Trop occupés à développer et à vendre des voitures neuves, les géants de l’automobile ont longtemps délaissé ceux qui, pourtant, faisaient vivre leur patrimoine et leur histoire : les collectionneurs. Lorsque ceux-ci devaient effectuer des réparations sur leurs chères autos, ils n’avaient alors pas d’autre choix que de se tourner vers des propriétaires de modèles identiques pour trouver des pièces détachées ou s’adresser à une poignée de spécialistes qui reconditionnaient ou fabriquaient à la demande les éléments défectueux. Aujourd’hui, presque tous âgés de plus d’un siècle, les constructeurs ont désormais compris que leurs modèles les plus anciens étaient un vecteur d’image important, et leurs propriétaires des sources de revenus non négligeables. Aussi, certains ont créé des départements pour fournir certaines pièces destinées aux autos de 30 ans et plus. Le marché de la voiture de collection étant, depuis très longtemps, plus vigoureux de l’autre côté du Rhin que chez nous, ce sont les Allemands qui se sont massivement lancés dans cette aventure.

Mercedes (encore) est largement à la pointe sur cette niche : le premier show consacré aux véhicules historiques de la marque date de 1936 ! Aujourd’hui, des éléments mécaniques aux selleries, il est quasiment possible de se procurer auprès du constructeur n’importe quelle pièce d’un modèle sorti des chaînes après 1945. Certaines sont même refabriquées en impression 3D. L’équipe consacrée aux véhicules de collection, tous corps de métier confondus, est forte de plus de 150 personnes. Pour commander une pièce, il suffit de s’adresser aux concessionnaires adhérents à ce programme ou de se connecter sur le site internet dédié (partssearch.mercedes-benz-classic.com).

Les rivaux de Mercedes ont évidemment également investi ce marché. Chez BMW, le site shop.bmw-classic.de permet d’avoir accès à plus de 60 000 pièces en stock. Particularité de la marque à l’hélice oblige, celles-ci concernent les autos mais également les motos produites par le constructeur munichois. À quelques kilomètres de là, à Ingolstadt, Audi s’est trouvé face à une tâche encore plus ardue à cause de son histoire mouvementée. À l’adresse trshop.audi.de, le site d’Audi Tradition, on trouve ainsi des pièces pour les Audi modernes, celles fabriquées après la renaissance de la marque en 1965, mais également pour celles d’avant 1945. Le catalogue propose également des références destinées aux DKW, Horch et Wanderer d’avant la Seconde Guerre mondiale et aux Auto Union, DKW et NSU construites à partir de 1945. Concernant cette dernière marque, on trouve également une poignée de pièces destinées aux motos.

Opel, Porsche et Volkswagen sont aussi de la partie avec leurs sites respectifs : opel-classicparts.de, classicshop.porsche.com et volkswagen-classic-parts.de.

En ce qui concerne les modèles américains, l’offre de pièces détachées à destination des collectionnables est exclusivement le fait d’officines indépendantes que l’on trouve facilement en passant par un moteur de recherche et dont certaines ont une réputation bien établie. FCA se distingue en commercialisant, via mopar.com, des pièces produites par Classic Industries sous licence officielle.

Dans l’Hexagone, on a pris le train avec beaucoup de retard. Renault n’est (pour le moment ?) même pas encore monté à bord. En revanche, depuis 2 ans, PSA a pris conscience de l’importance de ce patrimoine et vend des pièces estampillées Citroën Heritage Classic et L’Aventure Peugeot Classic sur le site pieces-de-rechange-classic.com.

Autres absents de ce marché, les Italiens et les Japonais. Mais de nombreux spécialistes, souvent basés au Royaume-Uni, contrée favorable aux véhicules de collection, proposent les pièces nécessaires à la restauration et à l’entretien des modèles les plus courants.

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