Comme la plupart des industriels de la planète, PSA et Renault ne traversent pas sans dommages la période actuelle. Et les incertitudes sur le futur sont, plus que jamais, nombreuses. Faut-il craindre pour l’avenir de l’automobile tricolore ?
2020, année atypique
La crise du Covid-19 a totalement chamboulé les prévisions des constructeurs automobiles. Sur les 8 premiers mois de l’année, le marché français a baissé de 32% et les projections pour l’Europe font maintenant état d’une chute de 25% sur toute l’année. Au niveau mondial, on estime que ce sont au moins 12% des ventes qui seront perdues, soit 10 millions d’automobiles qui ne seront pas vendues. Quant au principal moteur de croissance du secteur ces 10 dernières années, le marché automobile chinois, il devrait se contracter d’au moins 10%. Et même si les pertes directes des Etats-Unis (-15% prévus) et du Japon (au moins -8%) ne concernent pas directement nos champions nationaux, les marques présentes sur ces deux marchés majeurs auront sans doute à cœur d’essayer de se refaire en Europe et/ou en Amérique du sud.
Ajoutez à ces tristes prévisions l’entrée en vigueur de « l’amende CO2 » en Europe (en 2021, les constructeurs devront s’acquitter de 95 € par gramme de CO2 si la moyenne des émissions des voitures vendues sur le Vieux Continent en 2020 dépasse ce chiffre, à multiplier par le nombre de voitures vendues) et donc la nécessité d’accélérer le développement des voitures hybrides, hybrides rechargeables et électriques, et vous comprendrez que, pour PSA et Renault, la zone de turbulences ne fait que commencer.
PSA : un mariage pour grossir
Contrairement à son rival au Losange, PSA a pris tardivement le train de l’électrification. Si l’on excepte les antiques Citroën Saxo/Peugeot 106 Electric et les dépassées Citroën C-Zero/Peugeot iOn, la première du genre pour le n°1 français a été la Peugeot e-208, commercialisée il y a moins d’un an. Depuis, la e-2008, la DS 3 Crossback e-Tense, et les Opel Corsa-e et Mokka-e l’ont rejoint, ainsi que l’iconoclaste Citroën Ami. En matière d’hybride rechargeable, le développement est à peine plus avancé avec seulement deux motorisations de 225 et 300 ch que l’on trouve sur les Citroën C5 Aircross, DS 7 Crossback, Opel Grandland X et Peugeot 3008 et 508. Le renoncement à la technologie Hybrid Air se traduit aujourd’hui par un retard en matière de petites hybrides, très prisées. En revanche, la réorganisation des marques au sein du groupe, initiée par l’actuel PDG, Carlos Tavares, semble porter ses fruits même si DS Automobiles a encore un très long chemin avant de pouvoir se prétendre l’égal d’Audi, BMW et Mercedes, et qu’Opel se relève lentement. Surtout, PSA souffre de la contraction de ses principaux marchés, l’Europe et l’Amérique latine même si ses parts de marché progressent pour la majorité des marques de l’entité dans de nombreux pays.
En parallèle, la crise du Coronavirus n’a pas affecté les préparatifs de la fusion avec FCA (Fiat Chrysler Automobiles). Les deux futurs partenaires ont même déjà annoncé le nom que portera le nouveau groupe : Stellantis. Même si, aujourd’hui, le groupe italo-américain parait très en retard dans le développement de voitures plus propres, cette association a du sens car elle permettra de partager les investissements sur un plus grand nombre de véhicules. On imagine ainsi sans peine qu’une future Fiat Punto sur base de Peugeot 208 devrait rapidement être annoncée après l’officialisation de cette fusion. Celle-ci permettra également à Carlos Tavares de réaliser l’un de ses rêves : réimplanter Peugeot sur le marché nord-américain. Ce come-back est prévu pour 2023 avec 3 modèles de types SUV et crossover. La principale difficulté de ce retour, l’implantation d’un réseau, pourrait simplement être levée en faisant appel à tout ou partie du réseau Chrysler/Dodge/Ram. Une fois opérationnel, Stellantis sera un acteur majeur en Europe, en Amérique du sud et dans certains pays en voie de développement, tels que la Turquie. Mais il ne faut pas pour autant brûler les étapes, la situation financière de PSA restant potentiellement précaire, d’autant que 2020 devrait se terminer avec une chute des ventes mondiales de l’ordre de 20 à 25%.
Renault : une Alliance fragilisée
Les évènements se sont davantage précipités pour le groupe porteur du Losange, lui aussi fort de 4 marques (Dacia, Lada, Samsung Motor et Renault) depuis 2 ans. La chute du Kaiser Ghosn a, en effet, mis à jour certaines faiblesses profondes. A commencer par la difficulté de trouver un successeur à l’ancien patron. Ce point semble toutefois réglé depuis le 1er juillet dernier avec l’arrivée de Luca de Meo, ancien dirigeant de Seat qui a largement participé au redressement. M. de Meo doit d’ailleurs présenter dans les prochaines semaines un plan choc dont on connait déjà quelques lignes. Parmi celles-ci, le départ de plusieurs milliers de collaborateurs est sans doute celle qui a fait le plus couler d’encre. Mais le cœur de cette nouvelle stratégie, c’est l’orientation et le plan produit de chacune des marques. Ainsi, Alpine semble pérennisé même si l’élargissement de la gamme à des modèles à plus fort potentiel (comprenez un ou des SUV) sera un passage obligé et assumé. Une politique qui a, toutes proportions gardées, réussit à Porsche depuis presque 20 ans, les bénéfices engrangés par les ventes de Macan et de Cayenne permettant d’assurer le développement d’une gamme toujours plus large de sportives. En parallèle, Dacia devrait s’émanciper au niveau mondial. Les Sandero, Logan et Duster badgés Renault sur certains marchés, tels que l’Amérique du sud et la Russie, devraient donc rapidement appartenir au passé. En parallèle, Luca de Meo ambitionne de faire avec Renault ce que Carlos Tavares est parvenu à réaliser avec Peugeot, à savoir une montée en gamme qui lui permet de se poser en rivale crédible de Volkswagen, soit à mi-chemin entre les généralistes et le premium. Pour cela, la gamme sera fortement réduite, les Talisman et Espace semblant d’ores et déjà condamnés. A la place, les investissements seront davantage concentrés sur des modèles de milieu de gamme, dont au moins 2 SUV supplémentaires, destinés à contrer plus efficacement que les actuels Kadjar et Koleos, les Peugeot 3008 et 5008.
L’Alliance avec Nissan-Mitsubishi vit, de son côté, des heures difficiles. Les relations ne sont plus au beau fixe depuis que, en 2018, Carlos Ghosn a lancé l’idée de la constitution d’un véritable groupe. Inconcevable pour les Japonais, ce « colonialisme économique » est, aujourd’hui, totalement oublié. Les échanges entre les deux groupes, toujours très limités malgré deux décennies de collaboration, devraient toutefois perdurer. En effet, ni Renault, qui a enregistré au 1er semestre les pertes les plus importantes de son histoire avec 7,3 milliards d’euros, ni Nissan ne peuvent se permettre de se retrouver seul sur un marché mondial toujours plus compétitif.
En revanche, au niveau de la gamme actuelle, Renault profite d’une avancée notable en matière de véhicules propres. La Zoé remporte un succès grandissant, y compris sur des marchés difficiles comme l’Allemagne, et de nombreuses nouveautés électriques sont attendus dans les prochains mois, à commencer par la Twingo. Un SUV compact puis une berline du même segment suivront. En complément, Renault propose, enfin, des véhicules hybrides, qu’ils soient full, comme la Clio, ou rechargeables, à l’instar des Captur et Mégane Estate. Là encore, ces technologies devraient être étendues à d’autres modèles, le premier d’entre eux devant être le futur Kadjar, prévu pour le printemps prochain.