Trop banales nos voitures actuelles ? A en croire nombre d’automobilistes, les constructeurs ne sont, effectivement, guère portés sur l’originalité. A en voir les chiffres de ventes de la plupart des modèles qui « sortent des clous », on comprend pourquoi.
Des tentatives souvent couronnées… d’échec
« Ca ne marchera jamais ! » En 1997, Renault s’était fendu d’un spot publicitaire où, au travers de ce slogan répété à l’envie, la marque faisait un inventaire de ses modèles originaux qui ont connu un succès retentissant : 4L (1961), R16 (1965), R5 (1972), Formule 1 Turbo (1977), Espace (1984), Twingo (1993) et Mégane Scénic (1996). Aussi intelligent et ludique soit-il, ce spot fait toutefois l’impasse sur les nombreux modèles créatifs du constructeur au losange qui ont fait un flop : R14, Wind, Avantime, Vel Satis, Kangoo Be Bop… Naturellement, ce genre de loupé n’est pas réservé au Losange. Audi A2, Citroën C6, Fiat Multipla, Hyundai Veloster, Kia Opirus, Lancia Thesis, Mercedes Vaneo, Nissan Cube, Opel Signum, Peugeot 1007, Seat Toledo III, Smart Forfour I et II, Suzuki X90, Toyota iQ (et son clone, l’Aston Martin Cygnet), Volkswagen Coccinelle II… Des échecs, qui n’épargnent aucun constructeur, qui sont le plus souvent causés par des lignes originales, voire, dans la plupart des cas, jugées presque unanimement laides.
Même par la magie des plateformes, développer et commercialiser un nouveau modèle coute cher. Et la période est plus aux investissements dans les motorisations les plus propres que dans celles de modèles qui feront parler. D’un point de vue comptable, le choix de proposer des voitures aux lignes classiques se tient donc parfaitement. Sauf que, nous le disions en préambule, la plupart des automobilistes se plaignent de la banalité des voitures actuelles. L’histoire du serpent qui se mord la queue ?
Division naturelle
Echaudés par les nombres échecs de modèles voulus originaux, les constructeurs en sont arrivés à la conclusion que l’excentricité esthétique rimait avec clivage. Ce n’est pourtant pas toujours vrai. Des autos aux lignes typées telles que l’Alfa Romeo Brera, la Citroën SM, le Peugeot RCZ ou encore la Volvo C30 sont considérées comme belles par quasiment l’ensemble de la population et n’ont pourtant pas rencontré le succès sur le plan commercial. Chacune pour une raison différente. En ce qui concerne l’Alfa, il s’agit d’un décalage en ce qui était alors l’image de la firme et les tarifs affichés, dignes de ceux des rivales allemandes. Si la SM est arrivée sur le marché à un moment peu opportun, le début de la crise pétrolière, c’est sans doute le manque de légitimité de Citroën sur le segment du coupé GT qui l’a le plus empêchée de rencontrer son public, nombre de ses rivales au blason plus prestigieux ayant réussi à survivre. Sa lointaine cousine, la Peugeot RCZ est, pour sa part, elle aussi arrivée à un autre moment inopportun, celui où les coupés voyaient leur part de marché fondre année après année, les acheteurs en quête de voiture différente leur préférant alors une nouvelle catégorie en plein essor, celle des SUV. Enfin, la Volvo C30 était sans doute trop décalée. Par rapport à la clientèle traditionnelle de la marque d’une part, et en ne proposant qu’une variante 3 portes d’autre part alors que le succès de sa principale rivale, l’Audi A3, s’est largement basée sur les déclinaisons 5 portes puis Sportback.
Il est toutefois une autre raison qui explique, sans doute dans la majeure partie des cas d’ailleurs, le désintérêt des automobilistes pour les voitures originales : le besoin de discrétion. A une période où l’automobile est souvent montrée du doigt car considérée, parfois à tort, comme la source de nombreux maux tels que la pollution, mieux vaut, pour la majorité, ne pas s’afficher dans un modèle repérable au premier coup d’œil. Une donnée qui est encore plus vrai pour les habitants de petites communes, où une voiture « tape-à-l’œil » serait immédiatement repérée par le voisinage. C’est ce qui explique aussi le choix de couleur majoritairement effectué par les acheteurs de véhicule neuf : le gris, le blanc et le noir arrive, largement, en tête des teintes les plus plébiscités. Un besoin de discrétion qui semble aller, c’est un comble, jusqu’à envahir les habitacles de nos montures, presque toujours choisis en noir. On comprend donc mieux les constructeurs lorsqu’ils justifient leurs palettes de coloris par un « les couleurs vives ne se vendent pas ».
La modération, clé du succès
Tout ce qui est original n’est toutefois pas voué à l’échec. La Fiat 500 en fait une brillante démonstration, elle dont les ventes se portent bien depuis 2007 ! La recette de la petite italienne ? Une originalité esthétique qui n’a rien de « gratuit » puisqu’elle évoque sa célébrissime ancêtre de 1957. Il suffit d’ailleurs de voir l’engouement que provoque, sur les réseaux sociaux, l’annonce du retour de la Renault 5 pour comprendre que remettre au goût du jour un modèle populaire et abordable, tout en lui conservant des tarifs et un gabarit raisonnables, a tout pour séduire les foules. Volkswagen s’est d’ailleurs fourvoyé sur ces deux derniers points lorsqu’il redonne vie à la Coccinelle, en 1998 avec la New Beetle (qui a cartonné en Amérique du nord, un terrain propice à des autos plus imposantes) et en 2011 avec la Coccinelle III.
Autre possibilité de vendre en masse une auto aux lignes originales : la doter d’au moins une caractéristique tout aussi originale. Le succès des trois premières générations de Toyota Prius, qui fut, en 1997, la première voiture hybride de série, en est la preuve. L’originalité (la laideur ?) des lignes a d’ailleurs été, pendant de nombreuses années, la marque de fabrique des voitures propres. D’après plusieurs études internes aux constructeurs, les conducteurs écolos, très peu nombreux durant la première décennie du XXIème siècle, ressentait le besoin d’afficher cette différence avec leurs congénères.
La meilleure façon de vendre de l’originalité reste toutefois de procéder par petites touches. C’est le fameux phénomène de la personnalisation qui touche presque exclusivement les mini-citadines, les citadines et les petits SUV. Il s’agit, à coup de stickers, de peintures bi-ton ou encore d’inserts de couleurs de distinguer son auto des autres modèles appartenant à la même série tout en conservant une certaine discrétion. L’avantage pour les marques réside dans la marge complémentaire que procurent ces accessoires. Il suffit de regarder les tarifs pratiqués (100 à 300 € pour des stickers, jusqu’à 500 € pour des éléments en couleur pourtant strictement identiques, hormis pour la couleur, à ceux livrés de série…) pour comprendre, qu’effectivement, cette marge doit parfois frôler les 100%. Une politique similaire est d’ailleurs appliquée à certaines teintes de carrosserie comme, par exemple, les blanc Quartz, orange Valencia et rouge Flamme de la Renault Clio, vendues 750 € alors que les autres teintes métallisées ne valent « que » 550 €.