Tesla peut-il rester le roi de la voiture électrique ?

Quasiment inconnu il y a encore 15 ans, Tesla voit désormais son nom devenir aussi emblématique de la voiture électrique que Frigidaire l’est pour les réfrigérateurs. Mais sa position dominante est de plus en plus contestée par des constructeurs automobiles bien plus établis.

Un coup de poker

Fondée, le 1er juillet 2003, par deux ingénieurs inconnus du grand public, Martin Eberhard et Marc Tarpenning, Tesla Motors, qui deviendra Tesla Inc. le 1er février 2017 ne gagne en notoriété qu’avec l’arrivée à sa tête, en 2008, d’un certain Elon Musk. Ce Sud-Africain est reconnu dans les milieux d’affaires depuis qu’il a fait de PayPal – une société qu’il a racheté en 2000 – le géant du paiement en ligne que nous connaissons aujourd’hui. Bien qu’il ne soit pas à l’origine du projet du Roadster, dont les premières ébauches datent de 2003, Elon Musk ne manquera pas d’ingéniosité pour faire connaître ce modèle dont les premiers exemplaires sont livrés en 2008. Basée sur le châssis de la Lotus Elise, la première Tesla ne rencontrera toutefois qu’un succès d’estime puisque seuls 2 680 exemplaires seront assemblés durant ses quatre années de carrière.

Crédit Jakob Härter

La success-story Tesla commencera réellement avec la Model S. Dévoilée en 2009, soit trois ans avant que ne soient livrés les premiers clients, cette concurrente des Audi A8, BMW Série 7 et Mercedes Classe S est alors la seule voiture 100% électrique de sa catégorie. Cette auto fait surtout parler d’elle pour ses puissances qui semblent alors délirantes, avec un minimum de 564 ch, et son autonomie qui fait d’elle une électrique capable de longs trajets. Un Model S 85 annonce alors 426 km entre deux charges. En parallèle, Tesla débute le déploiement de ses Superchargers, des bornes dédiées aux modèles de la marque et dont les premières versions promettent 90 kW. En quelques mois, Tesla a résolu, sur le papier, deux des principales entraves au succès de la voiture électrique. A ce jour, presque 300 000 Model S ont été fabriquées, ce qui représente un excellent chiffre pour un modèle facturé en moyenne 100 000 €. De plus, la Model S, dont la version la plus puissante affiche désormais 1 020 ch, est la première voiture de série dont les logiciels peuvent être mis à jour à distance.

Depuis, la gamme Tesla s’est largement étoffée avec les Model X (2015), Model 3 (2017) et Model Y (2019). Sans oublier les Cybertruck et Roadster II, tous les deux promis pour la fin 2021. En 2020, Tesla a livré presque un demi-million de voitures, dont plus de 442 000 Model 3 et Model Y.

Une image solide

Tout comme « voiture hybride » rime avec Toyota, Tesla est quasiment devenu un terme générique pour désigner une électrique. Avec une gamme désormais complète (une berline familiale, une limousine et une version SUV pour chacune d’entre elles), la jeune marque américaine couvre déjà un large spectre du marché. Les modèles annoncés devraient lui permettre de renforcer cette position, mais de manière différente selon les pays. Si, en Amérique du nord, c’est le Cyber Truck, qui s’attaquera au segment le plus important (la part de marché des pick-up aux Etats-Unis dépasse les 20%, soit environ 3 millions de véhicules) de ces contrées, qui est attendu avec impatience, en Europe, on compte plutôt sur la prochaine Model C, prévue pour 2023 et qui concurrencera, notamment les Nissan Leaf et Volkswagen ID.3, pour multiplier les ventes. Il est donc parfaitement imaginable que Tesla dépassera sans peine le million de ventes annuelles d’ici à 2025. Pour répondre plus efficacement à la demande, la marque a d’ailleurs multiplié les implantations industrielles. Après les Etats-Unis et un timide premier pas en Europe (l’unité de Tilbourg, aux Pays-Bas, ne fait qu’assembler des modules en provenance des USA), le constructeur s’est donc implanté en Chine, à Shangaï, et ouvrira, au second semestre de cette année, une Gigafactory près de Berlin, en Allemagne.

En se dotant également d’un réseau de recharge propre, Tesla a également pris de court ses concurrents. Pour le moment uniquement réservés aux modèles de la marques, ces 20 000 Superchargeurs (dont environ 700 sont implantés dans l’Hexagone) sont disposés près des grands axes ou dans des lieux stratégiques, tels que des parkings d’hôtels et/ou de restaurants. Un choix idéal pour faire coïncider l’utile, recharger sa Tesla, avec l’agréable, se restaurer ou passer une bonne nuit de sommeil.

En matière de distribution et de service, la firme innove également avec un réseau qui lui appartient totalement. Pour le client, ce choix de ne pas faire appel à des opérateurs privés, les fameux concessionnaires, permet une application théoriquement plus stricte des consignes du siège quant aux standards de qualité de service. Cela permet également d’éviter la concurrence entre les points de vente sur les prix de vente des modèles neufs. Ainsi, une Tesla s’achète au tarif affiché. Enfin, le gros des stocks de voitures neuves est mutualisé, permettant des délais de livraison souvent rapides.

Les grands du secteur répliquent

Audi E-tron GT quattro

La politique de Tesla pour conserver la main sur la distribution et l’après-vente a tout de même un revers, l’impossibilité d’offrir un maillage aussi complet du territoire que celui des autres constructeurs. Ainsi, en France, il n’existe que 13 points de vente et 9 ateliers. C’est plus de 10 fois moins que chacune des marques allemandes premium. Et c’est justement d’elles que vient le plus gros danger pour Tesla. Audi, BMW et Mercedes commencent, en effet, à attaquer sérieusement le constructeur américain. La Model S se retrouve ainsi face à l’Audi e-Tron GT et, d’ici quelques mois, la Mercedes EQS tandis que BMW ne cache pas son intention de dériver une i7 de la prochaine génération de Série 7. Model X (Audi e-Tron et e-Tron Sportback, et future Mercedes EQ GLS), Model 3 (future BMW i4) et Model Y (BMW iX3, Mercedes EQC et futur Audi Q4 e-Tron) ne sont pas épargnés. Quant à la prochaine Model C, elle aura fort à faire face aux Citroën ë-C4, Nissan Leaf, Volkswagen ID.3 ou encore la prochaine Renault Mégane électrique. Toutes ses rivales auront pour elles leur image plus solide auprès du grand public, des réseaux largement plus développés et, dans nombre de cas, des tarifs plus abordables.

Mercedes-Benz Vision EQS

Pour lutter, la gamme Tesla ne pourra pas compter sur la qualité de fabrication, très souvent décriée quel que soit le modèle. Il suffit de lire les commentaires de propriétaires de Model S sur le vieillissement de l’intérieur de leur auto ou ceux des premiers clients livrés de leur Model 3 ou de leur Model Y pour être largement refroidi. D’autant que les rapports, (trop ?) largement médiatisés, des problèmes de certaines fonctions innovantes, tels que l’Autopilot, ont également de quoi inquiéter certains acheteurs potentiels. Et ce, même si, à ce stade, rien ne permet d’affirmer que l’électronique des Tesla se montre moins fiable que celle de leurs rivales. Mais la politique de sur-médiatisation, largement entretenue par Elon Musk lui-même, amène à de tels revers.

Dernier point, et non des moindres, même si Tesla est aujourd’hui rentable, la santé financière reste potentiellement fragile, les investissements exigés pour le développement et le renouvellement continu de la gamme restant conséquents. Rien ne met donc le constructeur à l’abri d’une faillite qu’il a, par ailleurs, déjà tutoyée. Un tel scénario laisserait alors les propriétaires de ces véhicules quasiment sans possibilité de l’entretenir ou de le réparer.

4 thoughts on “Tesla peut-il rester le roi de la voiture électrique ?

  1. « Dernier point, et non des moindres, même si Tesla est aujourd’hui rentable, la santé financière reste potentiellement fragile, les investissements exigés pour le développement et le renouvellement continu de la gamme restant conséquents. Rien ne met donc le constructeur à l’abri d’une faillite qu’il a, par ailleurs, déjà tutoyée »
    T’as raison journaliste, les investissements pour les concurrents sont moindres, et comme Tesla a frôlé la faillite à ses tous débuts, nul doute qu’aujourd’hui, avec bientôt 1 million de véhicules vendus par an, il y a très gros risque de faillite…….

  2. Nul doute que le marché européen se réduira comme peau de chagrin pour Tela avec l’arrivée prochaine, dans le haut de gamme, des voitures allemandes. Il restera à Tesla les USA : mais Ford et consorts vont se réveiller.
    Bref, Tesla à moyen terme, se fera racheter par une grosse marque américaine. La niche de Tesla dans l’électrique aura vécu un temps.

    • Elon a plus d’un tour dans son sac.
      Douter de cet homme, qui, dans sa tete à plusieurs longueurs d’avances sur les anciens constructeurs, et quand il va commencer à les racheter au poids de la ferraille (avec des bitcoins), Volvo a déjà disparue en chine, et BMW, s’est endormis sur les electriques au mauvais moment, aprés un bon départ; Mercedes peut être, quand à Renault…..avec un pied dans la faillite je rigole : les français vont payer 2 fois leur Renault (1er fois à l’achat de l’auto, une 2em fois …avec leur impots, comme Air France et bien d’autre).
      Tesla c’est une autre pointure avec 10ans d’avance versus 5 à1 0ans de retard des constructeurs classic.

  3. Personnellement, je considère que Musk est un visionnaire, qui en plus de cela, met ses idées en oeuvre.. Tant qu’il sera de ce monde, Tesla évoluera plus vite que ses concurrents. La différence entre Tesla et les autres me semble se situer en ceci: Tesla est parti d’une page blanche dans l’élaboration de ses derniers modèles. Alors que les autres sont partis sur la voie d’une évolution des modèles thermiques. Musk aura t’il eu raison ? mais que se passera t’il lorsque qu’il quittera Tesla, soit par désintérêt pour sa marque de voiture, préférant s’investir plus dans ses nouveaux projets ? ou. lorsqu’il mourra ?

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