Dans une quinzaine de jours, McLaren créera l’événement au Mondial de l’Automobile en présentant sa nouvelle supercar, la P12. Un modèle sur lequel la firme de Woking se fait pour l’instant très discrète : tout juste avons nous eu droit à un obscur teaser qui nous a tous laissés sur notre faim. Mais plutôt que de spéculer sur cette future supercar, j’ai préféré rendre hommage à sa devancière, la légendaire McLaren F1. Une auto sans compromis, conçue par le génial et fantasque ingénieur Gordon Murray, qui avait eu virtuellement carte blanche sur ce projet. Fait exceptionnel, vingt ans après son lancement, la McLaren F1 continue d’être celle à laquelle toutes les supercars sont comparées. Autant dire que sa remplaçante a la pression !
Gordon Murray est un homme bouillonnant d’idées. En 1988, lorsqu’il propose à Ron Dennis de mettre au point une supercar à trois places en triangle, cela fait plusieurs années qu’il a ce projet en tête. Dans son esprit, l’auto doit être puissante, mais surtout rester légère. À cette époque, McLaren domine le championnat du monde de Formule 1, et le duel Prost/Senna fait les gros titres. Dennis voit dans ce projet une façon de concrétiser cette réussite dans une voiture de route ultime, et incite Murray à poursuivre ses recherches.
Pour les matériaux, Murray ne se refuse rien : la coque sera intégralement réalisée en fibre de carbone, une technique alors encore jamais utilisée dans l’automobile. Du côté des moteurs, c’est plus compliqué. L’ingénieur britannique veut absolument un moteur atmosphérique, avant tout pour des raisons de sonorité et de réactivité à l’accélérateur, à une époque où le « turbo lag » pose encore de réels problèmes. Malgré tout, Murray exige tout de même au moins 550 chevaux et un bloc moteur compact (600 mm de longueur et 250 kilos maxi). Il contacte d’abord Honda, qui motorise les McLaren de Formule 1, mais les japonais refusent. Toujours au Japon, Toyota travaille bien sur un V12 3,5 litres pour la Formule 1, mais Murray exige un moteur à la fiabilité éprouvée.
C’est finalement chez BMW qu’il trouvera son bonheur. Le roi des motoristes bavarois, Paul Rosche, conçoit spécialement à l’attention de la McLaren F1 un V12 de 6,1 litres tout en aluminium, compact et ultramoderne, avec calage variable de la distribution, 12 papillons de gaz individuels et une lubrification par carter sec. Ce V12 « S70/2 » pèse certes 266 kilos, soit 16 de plus que ce qu’exigeait Gordon Murray, mais il développe en contrepartie la bagatelle de… 627 ch.
Pendant que Murray cherchait un moteur pour sa supercar, ses collègues de McLaren ne sont pas restés inactifs. Ils ont construit un mulet à base d’Ultima, l’un pour tester la boîte de vitesses à six rapports (associée pour l’occasion à un V8 Chevrolet), les sièges et les freins. Un deuxième mulet sera assemblé quelques mois plus tard, et recevra le premier V12 livré par BMW.
L’auto est présentée à Monaco le 28 mai 1992. Dès le début, les choses sont claires : il s’agira d’une auto ultra-exclusive, pour laquelle aucun sacrifice n’a été refusé. C’est ainsi que l’isolation thermique du compartiment moteur est réalisée à l’aide de… feuilles d’or fin, seul matériau offrant un bon compromis masse/isolation ! Quant au style, s’il est signé Peter Stevens, ce dernier a surtout eu pour tâche d’habiller des lignes dictées par les multiples séances en soufflerie. La McLaren F1 dispose même d’un aileron arrière qui se déploie automatiquement au freinage aux vitesses supérieures à 64 km/h.
Mais ce qui étonne le plus les observateurs, c’est l’architecture de l’habitacle : le « pilote » est installé en position centrale, comme dans une monoplace, et ses deux passagers sont assis de chaque côté, en retrait. Cela ne facilite pas l’accès à bord, mais permet d’accueillir trois personnes à bord, ainsi que quelques bagages, qui prennent place dans deux coffres situés sur les flancs.
Enfin, l’utilisation massive de carbone et la traque obsessionnelle du moindre gramme superflu (même l’ampli Kenwood a été mis au régime sec !) ont permis de maintenir un poids extrêmement réduit : 1 140 kilos environ. Malgré tout, la McLaren F1 obtient d’excellents résultats au crash-tests d’homologation.
La production débute en 1992, à un train de sénateur : chaque voiture réclame trois mois et demi de travail ! De fait, vu le tarif affiché (1 million de dollars !) et le contexte économique alors perturbé, la clientèle ne se bouscule guère. La McLaren F1 sera sauvée du naufrage par ses déclinaisons destinées à la compétition. Elle remportera même une victoire au Mans en 1995, avec Yannick Dalmas, Masanori Sekiya et JJ Lehto. Cette année-là, quatre F1 GTR se classeront aux cinq premières places des 24 Heures !
La McLaren F1 sera produite jusqu’en 1998. Au total, 106 exemplaires sortiront de l’usine de Woking, dont seulement 64 F1 de route. En octobre 2008, l’une d’elles a été vendue par RM Auctions à Londres : les enchères sont montées à 2,53 million de livres !
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