Formule 1 : la révolution « verte »

Le moteur Renault Energy-F1 2014

Le moteur Renault Energy-F1 2014

Comme la voiture de série, les bolides de compétition amorcent un virage vers plus de frugalité. La Fédération Internationale de l’Automobile (FIA) a ainsi concocté de nouveaux règlements imposant des limitations de consommation, tant en endurance qu’en Formule 1. Comment Renault, motoriste emblématique de la F1 actuelle comme de celle des années turbo, a-t-il négocié ce virage technologique ?

C’est une vraie révolution culturelle ! La généralisation du KERS (système de récupération de l’énergie cinétique) avait déjà lancé le mouvement, mais le nouveau règlement de la Formule 1 pour 2014 va beaucoup plus loin dans le domaine de la réduction des consommations et émissions des monoplaces.

L'intégration du moteur Renault Energy-F1 2014

L’intégration du moteur Renault Energy-F1 2014

Outre les systèmes de récupération d’énergie, il impose une architecture V6 1.6 turbo (on a échappé de peu, sous la pression de Ferrari et Mercedes, au 4 cylindres !), d’un poids minimum de 145 kg, avec un régime maxi de 15 000 tr/min et une limitation à 100 kg de carburant par course, soit une baisse de 35% par rapport à 2013. En outre, le débit des injecteurs, autrefois non bridé, est désormais limité à 100 kg/h, tandis que le développement du moteur devra être gelé pendant toute la saison, sauf rectification de problème de fiabilité. Enfin, seuls cinq groupes motopropulseurs pourront être utilisés par chaque pilote sur la saison complète.

Le moteur Renault Energy-F1 2014

Le moteur Renault Energy-F1 2014

Bref, du point de vue des constructeurs, il faut quasiment repartir d’une feuille blanche. Une démarche qui n’est pas sans risque pour Renault, vainqueur du championnat des constructeurs à quatre reprises avec Red Bull. Penchons nous donc sur le nouveau moteur (pardon, « power unit ») de la marque au Losange.

Portant l’appellation officielle Energy F1-2014, c’est donc un V6 ouvert à 90°, doté de l’injection directe et, donc, d’un (énorme) turbo. Qui dit gros turbo dit « turbo lag », ce temps de réponse caractéristique des moteurs fortement suralimentés. Justement, l’objectif était de (je cite Renault) « l’éliminer totalement pour égaler la réponse instantanée qu’offrait le V8 atmosphérique » des saisons précédentes.

Éclaté du moteur Renault Energy-F1 2014

Éclaté du moteur Renault Energy-F1 2014

Pour y parvenir, les motoristes de Viry-Châtillon ont adopté deux systèmes de récupération d’énergie. Le premier, baptisé MGU-K, reprend le principe du Kers : il collecte l’énergie cinétique lors des freinages et la stocke dans une batterie. Le second, répondant au doux nom de MGU-H, récupère une partie de la chaleur des gaz d’échappement. Le principe du MGU-H est astucieux : il s’agit d’un générateur réversible relié à l’axe du turbo, qui permet de réguler la vitesse de la turbine. Lors des coupures de gaz, il freine la turbine, secondant ainsi la traditionnelle soupape de décharge (waste gate), et récupérant de l’énergie cinétique. En revanche, lors des phases de remise des gaz, le MGU-H accélère la turbine afin de réduire, voire d’éliminer le « turbo-lag ». Ce système, comme le turbocompresseur, est capable de supporter des régimes allant jusqu’à 100 000 tr/min.

Le MGU-K, directement relié au vilebrequin, est capable de restituer 120 kW (soit 160 ch), qui viennent s’ajouter aux 600 ch produits par le V6 turbo seul. La puissance globale atteint donc 760 ch en pic, soit l’équivalent des V8 2,4 litres atmosphériques des saisons précédentes. Autant dire qu’en cas de panne d’un des deux systèmes de récupération d’énergie cinétique, la perte de performance serait telle que l’auto serait virtuellement hors-course !

Le principe de fonctionnement des systèmes de récupération MGU-K et MGU-H (cliquez pour agrandir)

Le principe de fonctionnement des systèmes de récupération MGU-K et MGU-H (cliquez pour agrandir)

Renault ne précise pas le type de batteries utilisées, même si l’on imagine qu’il s’agit de  supercondensateurs, plus adaptés à des cycles charge/décharge rapides. Le poids minimal des batteries est de 20 kilos.

Et pour les pilotes, comment se traduira cette évolution technique en terme de « mode d’emploi » ? Comment devra-t-il gérer ces différents systèmes de récupération d’énergie ?

« Le pilote pourra en ressentir les effets mais son intervention ne sera, à priori, pas requise. Il pourra donc se concentrer sur sa course », explique Naoki Tokunaga, directeur technique en charge des nouveaux propulseurs chez Renault-F1. « Il existe bien sûr des modes que le pilote peut actionner pour passer outre le système de gestion et prendre ainsi le contrôle. C’est notamment le cas lorsqu’il souhaite obtenir la puissance maximale lors d’une manœuvre de dépassement. L’utilisation de ce mode dépend naturellement de la stratégie de course. En théorie, les pilotes peuvent l’activer autant de fois qu’ils le souhaitent. Cependant, s’ils consomment plus de carburant et plus d’énergie électrique, ils doivent ensuite patienter pour récupérer de l’énergie. Jouir de la puissance maximale pendant un ou deux tours est possible mais, à long terme, cette stratégie n’est pas viable »

L'Audi R18 e-tron quattro à moteur hybride diesel (2012)

L’Audi R18 e-tron quattro à moteur hybride diesel (2012)

Au final, le pilotage d’une F1 2014 pourrait donc se rapprocher de celui d’un prototype d’endurance, avec la gestion plus complexe d’un groupe motopropulseur (pardon, d’un « power unit » !) ne délivrant pas sa puissance de façon linéaire et continue.

Le moteur Renault Energy-F1 2014 et son ancêtre biturbo de 1980

Le moteur Renault Energy-F1 2014 et son ancêtre biturbo de 1980

Une approche aux antipodes des premières et turbulentes Formule 1 Renault à moteur turbo des années 70-80. Souvenez-vous, c’était le 1er juillet 1979 : Jean-Pierre Jabouille décrochait la première victoire pour une F1 Renault Turbo, au Grand-Prix de France, à Dijon. Curieusement, ce « détail » historique a été quelque peu éclipsé par le légendaire duel entre René Arnoux (Renault) et Gilles Villeneuve (Ferrari) pour la seconde place…

http://www.youtube.com/watch?v=iqSb3F2aDzA

4 thoughts on “Formule 1 : la révolution « verte »

  1. Que reste-t-il de la F1 historique faite de performance pure. Il n’est désormais question que de restrictions en tout genre. Limitation de poids, électronique commune, limitation de carburant, limitation de débit d’alimentation de carburant… Que reste-t-il aux motoristes ? On voudrait tuer la F1 que l’on ne s’y prendrait pas autrement. Cela n’est plus un sprint de 2heures mais un choix permanent de stratégies entre l’usure des pneus, du carburant, des batteries, etc…

  2. Chaque année, l’intérêt de la F1 est moindre. les pilotes sont devenus des gestionnaires, il n’y a plus de pilotage ou seul le talent était l’arbitre. Une course est aujourd’hui une procession interminable hachée par les arrêts aux stands qui enlèvent tout intérêt.
    Que penser en athlétisme d’un 400 mètres ou les coureurs devraient changer deux ou trois fois de chaussures. Stupide !

  3. Assez d’accord avec les commentaires précédents.
    Je suis la F1 depuis 35 ans et le pouvoir sportif a tout fait pour mettre des bâtons dans les roues des ingénieurs « libéraux ».
    Il faut dire qu’il fallait brider certains irresponsables
    (Genre Colin Chapman voire Gordon Murray.).
    Les performances ont été largement bridées.
    Ceci dit, je crois que c’était inévitable pour des tas de raisons.
    En ce qui concerne,l’évolution du groupe propulseur,
    c’était une quasi-obligation vis à vis de l’image de la F1.
    L’humanité est condamnée, qu’on le veuille ou non, à faire des économies de carburant, à limiter les émissions de CO2.
    Si l’occident veut être crédible vis-à -vis des pays émergents, il doit donner l’exemple.
    À plus long terme, je pense qu’on parviendra à utiliser des F1
    entièrement électrique (même si celà fait hurler Vettel !)
    avec des piles à combustibles, des batteries ou des supercondensateurs.
    La F1 est en pleine phase de transition technologique.

  4. La F-1 ne survivra pas longtemps avec sa nouvelle motorisation hybride aussi coûteuse qu’ennuyeuse…

    Il y le WEC et les 24 h du Mans pour développer des moteurs hybrides. La F-1 n’est pas le championnat du monde des conducteurs de taxis du dimanche…

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