Les constructeurs automobiles prennent modèle sur les start-ups pour inventer de nouvelles méthodes de travail. L’objectif ? Attirer de nouveaux talents, coller au plus près des évolutions technologiques et rester dans la course à l’innovation face aux Google, Apple et autres Tesla.
En 2004, PSA inaugurait en grande pompe son centre d’études ADN (Automotive Design Network), à Vélizy (78). Extérieurement, un bâtiment à l’architecture futuriste, toisant de sa hauteur respectable la route nationale 118 qui file en contrebas. À l’intérieur, en revanche, l’ADN est plus classique : des locaux standard, propres mais un peu austères, à l’image du reste du centre d’études de Vélizy, implanté là depuis les années 1960.
Pourtant, un nouveau service s’y est installé, qui semble bénéficier d’un traitement de faveur. Il se distingue déjà par son nom : UX City (ou UXCT), suggérant que l’on pénètre ici dans un monde un peu à part. Spécialisé dans les interfaces et la vie à bord, ce nouveau plateau a poussé comme un champignon en cinq mois, et regroupe déjà 230 spécialistes issus d’horizons aussi variés que le cinéma, les sciences humaines, l’ingénierie ou la programmation. Dans cette City dans la cité, les salles de réunion s’appellent des « wagons » (et on peut y écrire sur les murs, qui sont revêtus de films plastiques lavables !), l’open space a des allures de loft new-yorkais aux murs colorés et l’on y trouve même des… parasols ! Pour un peu, on pourrait se croire chez Google ou Facebook.
Mais cette ambiance conviviale sert des objectifs très concrets. En combinant les moyens d’un grand groupe automobile aux méthodes de travail d’une jeune pousse, PSA espère augmenter son « agilité ». Un critère fondamental dans un univers des interfaces homme-machine (IHM) où l’électronique prend une importance croissante, et où les géants du numérique comme Apple ou Samsung dictent les nouvelles tendances. Le champ d’études s’élargit en outre avec l’arrivée prochaine de voitures à l’autonomie croissante, où les transitions entre mode 100% autonome et phases de conduite classiques seront critiques : comment alerter le conducteur qui lit son journal ou consulte ses mails qu’il devra reprendre les commandes dans quelques secondes ? Du coup, les salariés de l’UX City disposent d’équipements dernier cri, y compris en matière de réalité virtuelle, pour tester des scénarios et valider les interfaces de demain. Grâce à ces technologies, ils peuvent même se glisser dans la peau d’un enfant de 4 ans sanglé dans son siège auto !
Chez Audi aussi, on réaménage ses bureaux. Dans le nouveau bâtiment H6 du siège bavarois d’Ingolstadt, on mise sur la couleur, des espaces de travail « flexibles » et des « atriums végétalisés ». Les 2 500 employés qui s’y installeront à terme (principalement en provenance des départements vente et marketing) pourront s’installer dans des poufs colorés, travailleront dans un « Work Lounge » jouxtant un « Coffee Bar » et mangeront dans une cafétéria au design et à l’acoustique soignés. Il ne manque plus qu’un baby-foot et des dortoirs pour se croire en pleine Silicon Valley !
Pour sa part, BMW a carrément décidé de s’y installer, dans la Silicon Valley ! Plus précisément, c’est sa division de capital-risque BMW i Ventures qui va déménager de New-York à Mountain View, en Californie, à un jet de pierres du siège de Google. Dotée d’un fonds de 500 millions d’euros, cette filiale a pour but de repérer les start-ups les plus prometteuses afin de leur donner un bon coup de pouce… dans l’espoir évidemment de récolter les fruits de leurs innovations. BMW i Ventures a ainsi contribué à lancer Chargepoint, qui installe des points de charge rapide pour voitures électriques, ou Carbon3D, un spécialiste de l’impression 3D.
Mais BMW accompagne aussi des jeunes innovateurs très en amont dans leurs projets, avec son Startup Garage, qui leur permet de mettre au point un premier prototype et d’élaborer un modèle économique. Enfin, chaque filiale du groupe bavarois organise des « Tech_Date », où sont sélectionnées des start-ups qui auront la possibilité de présenter leur savoir-faire au siège de Munich, afin de rencontrer les bons interlocuteurs pour développer leur business. En France, trois entreprises ont été sélectionnées, dont Nexyad, une start-up spécialisée dans l’intelligence artificielle appliquée aux assistants à la conduite (ADAS). Outre des algorithmes de reconnaissance de la chaussée et du trafic (indispensable pour les voitures autonomes), elle a développé SafetyNex, un système capable d’évaluer en temps réel, en fonction de multiples paramètres, les risques que prend un conducteur à l’instant T. Un savoir-faire tricolore qui intéresse de près la centenaire marque bavaroise, qui ne veut surtout pas se faire distancer par les « petits jeunes » de Californie…