En quelques années, Tesla est devenue une icône sur le marché de l’automobile. Portée par le tempérament flamboyant de son patron Elon Musk, la marque a su séduire une clientèle haut de gamme et technophile en leur offrant une approche « Think different » de l’automobile. L’Apple des quatre roues, en somme. Mais Tesla doit maintenant changer d’échelle : c’est une question de survie. Le constructeur saura-t-il négocier ce virage ?
Tesla est un paradoxe. Tout le monde connaît la marque, tout le monde en parle, et même le visage de son bouillant PDG Elon Musk nous est familier. Et pourtant, Tesla Motors est une entreprise minuscule à l’échelle de l’industrie automobile mondiale : l’an dernier, la firme n’a vendu que 31 655 voitures. Dans le même temps, un groupe comme BMW écoulait plus de 2 millions de véhicules ! Forcément, vu les investissements colossaux entrepris pour lancer la machine, Tesla perd 9 300 dollars sur chaque auto vendue. D’ailleurs, si l’action de l’entreprise a connu une grosse embellie au printemps-été 2013, le cours s’est stabilisé depuis. À des niveaux qui feraient certes rêver un Carlos Ghosn, mais il n’empêche : les investisseurs commencent à s’interroger.
Il faut dire que Tesla a pris énormément de retard sur son plan de marche initial. Rappelons que le crossover Model X, dont les premières livraisons sont prévues pour la fin de l’année, était ouvert aux réservations depuis… février 2012 ! Sauf qu’entre temps, le projet a été mis au ralenti afin de donner un coup d’accélérateur à la production des berlines Model S. Puis les prototypes ont connu des soucis avec leurs portes papillon et leurs moteurs, qui chauffaient trop lorsque l’on tractait une remorque. Quant à l’entrée de gamme Model 3 (ex-Model E), initialement prévu pour 2013, elle ne devrait pas démarrer en production avant « environ deux ans », soit d’ici à la fin 2017. C’est Elon Musk lui-même qui l’a annoncé le 2 septembre dernier sur Twitter, en précisant que ce modèle à 35 000 dollars serait dévoilé dès mars prochain. Le Model 3 est pourtant vital pour que Tesla atteigne la masse critique qui lui permette d’enfin devenir rentable.
Habitué à la réactivité de la Silicon Valley et au développement de produits high-tech en quelques mois, Elon Musk a du mal à s’accoutumer au rythme incomparablement plus lent de l’industrie « lourde ». En même temps qu’il brave les difficultés, l’entrepreneur découvre un nouvel univers, non sans un petit air de Candide. « Les gens ne comprennent pas à quel point il est compliqué de produire quelque chose », déclarait-il à des analystes l’an dernier. « C’est vraiment très dur. Vous devez faire en sorte que toute la chaîne d’approvisionnement marche à la même cadence. »
Et il est clair que l’usine actuelle, basée à Fremont en Californie, peine à monter en régime. Pourtant, cette ancienne unité de production General Motors et Toyota avait à l’époque une capacité de 500 000 voitures par an. Mais Elon Musk a tenu à tout revoir de fond en comble : murs et sols blancs, puits de lumière, robots rouges aux surnoms de superhéros hollywoodiens. Sans compter l’installation de l’outil de production du Model X, qui a encore entraîné des retards supplémentaires.
Obstacle supplémentaire : Tesla a pris l’habitude de faire cavalier seul. La sous-traitance est réduite à son minimum, et seules quelques pièces d’accastillage de la Model S sont issues de la banque d’organes Daimler. Pas question de développer des nouveaux produits en coopération avec un autre constructeur, afin de ne pas diluer le caractère innovant de la marque. Une stratégie qui fait la fierté d’Elon Musk, mais qui devra prouver sa pertinence avec le Model 3, produit de grande diffusion lancé sur le marché ultra-concurrentiel des Audi A4, BMW Série 3 et Mercedes Classe C. Dans sa dernière lettre aux actionnaires, Musk prévoit de livrer « 50 000 à 55 000 » voitures en 2015. L’objectif toujours martelé de 500 000 en 2020 apparaît bien optimiste…
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