L’Artura est la nouveauté du moment chez les supercars. Mais il est intéressant de se pencher sur sa technologie et sa conception, qui pourraient bien se retrouver sur toutes les sportives à l’avenir…
Qu’on le veuille ou non, les supercars vrombissantes et prodigues en CO2 sont de moins en moins socialement acceptables. Déjà soumises à des normes d’émissions de plus en plus drastiques, ces autos doivent en plus parvenir à glisser « sous le radar » dans des centres urbains où vivent souvent leurs propriétaires, mais où l’auto est de plus en plus mal vue. Le tout, bien sûr, sans rien renier de leurs performances et leur sportivité ! La quadrature du cercle ?
À ce dilemme apparemment insoluble, l’hybridation apporte une solution, notamment dans sa forme rechargeable. Elle permet en effet de rouler plusieurs dizaines de kilomètres en mode électrique et d’abaisser significativement les émissions de CO2 à l’homologation, tout en boostant encore les performances. Jusqu’alors, c’était surtout ce dernier point qui intéressait Porsche, Ferrari ou McLaren : on se souvient de la fameuse « sainte trinité » des 918 Spyder, LaFerrari et P1. Mais, alors que l’étau se resserre, l’hybridation rechargeable va devenir quasiment incontournable.
La McLaren Artura est l’une des premières supercars à totalement embrasser cette technologie. Elle a même été entièrement pensée pour elle, jusqu’à sa toute nouvelle coque en carbone, conçue et fabriquée par McLaren. Celle-ci inclut notamment l’emplacement pour les batteries, et ne pèse que 82 kg. D’ailleurs, l’Artura est particulièrement légère vu l’électrification qu’elle embarque : McLaren annonce ainsi un poids à sec de 1,395 kg (masse avec les pleins de 1 498 kg). Pour situer, la 570S que l’Artura remplace était donnée pour 1 313 kg à sec. Seulement 82 kg de plus avec tout cet attirail, c’est une vraie prouesse !
Il faut dire que les ingénieurs se sont surpassés pour traquer les kilos superflus. Le nouveau V6 3.0 biturbo tout en aluminium ne pèse ainsi que 160 kg, soit 50 de moins que le V8 qu’il remplace. Il le doit à la réduction de la cylindrée et du nombre de chambres de combustion bien sûr, mais aussi à quelques astuces comme des blocs et culasses partiellement manufacturés par impression 3D. Il présente une autre singularité : un V très ouvert (120 degrés, contre 60 d’habitude pour les V6). Une architecture qui permet d’implanter les deux turbos au centre du V pour une meilleure réponse à l’accélérateur, mais aussi d’abaisser le centre de gravité et de faciliter le « packaging ». La boîte compte quant à elle 8 rapports, soit un de plus que l’ancienne, mais elle est plus compacte, notamment parce qu’elle fait l’impasse sur la marche arrière : c’est le moteur électrique qui s’en charge.
Parlons-en de ce moteur : il s’agit d’une machine à flux axial, et non radial comme d’ordinaire. Ici, stator et rotor ne sont pas des cylindres concentriques, mais des disques parallèles. C’est la première fois que cette technologie est adoptée sur une automobile, et elle rend ce moteur léger (15,4 kg) et très compact, si bien qu’il est intégré au carter de boîte. La batterie qui l’alimente compte cinq modules et affiche une capacité de 7,4 kWh. Elle pèse 88 kg. Au total, tous les composants liés à l’hybridation (batterie, moteur, faisceau haute tension et électronique de puissance) représentent une masse totale de 130 kg.
Côté puissance, l’Artura enterre les plus performantes des « Sport Series » (dont l’ultime 620R, forte de 620 ch) et tutoie la 720S, avec ses 680 ch et 720 Nm. Le V6 fournit 585 ch et 585 Nm, tandis que le moteur électrique délivre 95 ch et 225 Nm. Surtout, l’Artura affiche des émissions de CO2 de 129 g/km, soit quasiment moitié moins que la 720S… et de quoi échapper au malus écologique français en 2021 ! McLaren annonce une autonomie pouvant atteindre 30 km en mode électrique, histoire de glisser en silence sous les fenêtres d’Anne Hidalgo sans que la maire de Paris n’y trouve à redire ! Côté sensations, la firme de Woking promet une réponse plus prompte que jamais à l’accélérateur, le moteur électrique se chargeant de faire du « torque fill », c’est à dire de combler l’inévitable temps de réponse des turbos. D’ailleurs, l’Artura n’est pas loin de rivaliser avec la 720S au niveau des performances, avec un 0 à 100 km/h en 3 s (2s9 pour la 720S), un 0 à 200 km/h en 8s3 (contre 7s8) et un 0 à 300 km/h en 21s5 (21s4). Pas mal pour celle qui sera, rappelons-le, l’entrée de gamme McLaren ! La vitesse maxi culmine quant à elle à 330 km/h… mais est bridée à 130 en mode électrique.
L’Artura innove moins côté châssis. Elle adopte tout de même un différentiel piloté (une première chez McLaren), mais ne profite pas des amortisseurs interconnectés de la 720S. La plus grosse nouveauté est en fait fournie par… Pirelli : l’Artura inaugure en effet les pneumatiques « Cyber Tyre » du manufacturier italien, qui intègrent une puce électronique qui envoie en temps réel des informations de température et de pression des pneumatiques. Des pneus connectés, en somme !
Impressionnante machine, l’Artura prouve que les supersportives ont encore un avenir, et que celui-ci ne passe pas forcément par le tout électrique… au moins pour le moment. Reste une question : quid du plaisir ? Ce V6 hybride promet des performances démentes, au niveau des modèles les plus véloces jamais conçus par McLaren. Mais saura-t-il faire preuve de davantage de caractère que le V8 qu’il remplace ? Surtout, ce boost des performances a-t-il encore un sens alors que les limites de ces autos sont déjà largement hors de portée sur route ouverte ? Car, et c’est tout le paradoxe de l’électrification, plus les supercars sont « vertes », plus elles sont puissantes ! Mais sont-elles plus pertinentes pour autant ?