CO2 : le grand n’importe quoi des normes européennes

Photo CC Yardley/Flickr

Photo CC Yardley/Flickr

L’Union Européenne a fixé le cap : objectif 95 g/km de CO2 en 2020. Une intention louable, au moins pour réduire notre dépendance au pétrole pour la mobilité. Mais une fois le cap fixé, encore faut-il disposer d’une boussole suffisamment précise pour s’y tenir. Et c’est là que le bât blesse : introduit en 1990, le protocole de mesure des émissions et de la consommation n’a pas évolué depuis. Les constructeurs ont donc eu beau jeu de s’adapter à ce cycle simpliste et trop peu réaliste… au point qu’entre la sobriété vantée par les dépliants publicitaires et la réalité du terrain, l’écart se creuse. Heureusement, les choses vont changer !

Aujourd’hui, le CO2 est partout. Dans l’air, bien sûr, mais surtout dans les publicités et la paperasserie administrative. Alpha et Oméga de la fiscalité automobile française, le CO2 est la base exclusive pour le calcul du bonus/malus « écologique » ou de la taxe de mise en circulation (carte grise)… en plus d’être un argument commercial pour les adeptes du « greenwashing ». Autant dire que l’homologation, au cours de laquelle est officiellement mesuré le taux de CO2 d’une auto, est devenue pour les constructeurs européens un enjeu majeur.

Les émissions de CO2 sont devenues un argument commercial comme un autre.

Les émissions de CO2 sont devenues un argument commercial comme un autre.

Reste que les valeurs annoncées sont sujettes à caution. Cela fait bien longtemps que le consommateur a compris qu’il ne fallait pas trop se fier aux consommations annoncées par les constructeurs, mais l’écart entre théorie et réalité semble s’être accru ces dernières années, à mesure que le CO2 prenait de l’importance. J’ai par exemple récemment essayé la Mercedes E 300 Bluetec Hybrid, une hybride diesel annoncée à 107 g/km de CO2, soit l’équivalent de 4,1 l/100 km en cycle mixte. Reste qu’au cours de ma journée passée à son volant, après 253 km d’une conduite que je qualifierais de « moyenne » (roulage dans le trafic, accélérations « normales »), l’ordinateur de bord annonçait… 7,4 l/100 km ! Presque du simple au double.

Entre la théorie des brochures publicitaires et la réalité du terrain, le gouffre se creuse...

Entre la théorie des brochures publicitaires et la réalité du terrain, le gouffre se creuse…

La faute à qui ? Essentiellement à un protocole de mesures totalement dépassé. En Europe, les nouveaux véhicules sont homologués suivant un cycle baptisé NEDC (New European Driving Cycle). Mais ce cycle est très loin de la conduite quotidienne ! Déjà, il se divise en deux parties, l’une censée simuler la conduite urbaine, l’autre, la conduite extra-urbaine. Problème : la partie urbaine représente les deux tiers du cycle… et l’auto y est arrêtée 30 % du temps ! En outre, le cycle possède de nombreuses phases à vitesse constante, et les accélérations sont très, très lentes (exemple : le 0 à 50 km/h est effectué en… 26 secondes !). Enfin, sa durée est très courte : un peu moins de 20 minutes et 11 kilomètres.

Le cycle européen NEDC

Le cycle européen NEDC

J’ouvre ici une parenthèse : à titre de comparaison, voici le cycle d’homologation américain (urbain en haut, extra-urbain en bas). Vous constaterez que son profil est nettement plus irrégulier, avec des accélérations variées. Il est en outre beaucoup plus long (28,5 km et 35 minutes) et sa vitesse moyenne est plus élevée (48 km/h contre 33,6 pour le cycle européen). Résultat : les consommations annoncées par les constructeurs aux États-Unis sont nettement plus proches de la réalité… et toute tricherie est sévèrement punie, comme les coréens Hyundai et Kia l’ont appris à leur dépens.

Le cycle américain (en haut la partie urbaine, en bas, la partie routière)

Le cycle américain (en haut la partie urbaine, en bas, la partie routière)

Mais revenons à notre homologation européenne. Les conditions de mesure y sont très éloignées du monde réel : les constructeurs fournissent des autos dépouillées (donc plus légères), et les techniciens chargés des mesures (l’UTAC en France) installent les véhicules dans une chambre climatisée à 20 °C, sur des bancs à rouleaux censés recréer une résistance équivalente à celle de la traînée aérodynamique. Bien entendu, climatisation, radio, GPS, phares sont éteints afin d’abaisser au maximum la consommation. Dernier détail : banc à rouleaux oblige, la voiture « roule » toujours tout droit, ne sollicitant pas sa direction assistée.

Le test d'homologation ? Pas très réaliste !

Le test d’homologation ? Pas très réaliste !

Bref, le cycle d’homologation doit changer ! Heureusement, c’est dans les cartons. De grandes négociations sont en cours pour parvenir à un compromis sur un cycle unique pour le monde entier, qui serait le même en Amérique du Nord, en Europe, en Inde, au Japon ou en Chine. Mais, comme toutes les grandes négociations, celle-ci prend du temps : le nouveau cycle ne devrait pas être prêt avant 2017…

22 thoughts on “CO2 : le grand n’importe quoi des normes européennes

  1. Non seulement ces cycles ne sont pas représentatifs mais comme ils sont justement très codifiés, il peut être simple pour l’électronique de détecter que la voiture est en train de subir une homologation et donc d’optimiser sa consommation quitte à perdre un peu de puissance.

    • @_Zeb_ : C’est plus simple que ça, pas besoin d’une ligne de code supplémentaire dans le calculateur électronique pour détecter que l’on est en mode « test d’homologation ». Vu que le cycle n’est constitué que de très faibles accélérations (faibles charges moteur, bas régimes), il suffit de bien travailler le rendement mécanique lors de ces phases, et le tour est joué !

      Après, pour les modèles un peu plus coûteux, on peut ajouter un capteur de vitesse sur les roues arrière ou sur le capot moteur : si les roues AV tournent et pas les roues AR, et/ou que le capot est ouvert… c’est qu’on est à l’UTAC 🙂

      @Stephane : l’automobile est une industrie mondialisée. L’intérêt de tous les acteurs est d’avoir un standard mondial, qui permet des économies d’échelle. On pourrait même à terme imaginer une homologation mondiale unique.

  2. >Mais, comme toutes les grandes négociations, celle-ci prend du temps

    Qu’est ce qu’il y a a reelement negocier. Les cycles devraient etre nationals de base, les villes ne sont pas forcement concues de la meme maniere suivant les pays. On les calcule par pays, on envoi les datas aux constructeurs, et il font leur test.

    De temps en temps on verfie des modeles pris au hasard en concession. Et a toute difference trop importante, un amende hyper salee….(genre le benefice du modele sucree).

    Probleme regle.

    Ca prends du toujours du temps…..pour magouiller…Les solutions simples existent, mais plus c’est simple, moins on peut frauder surtout.

  3. >L’intérêt de tous les acteurs est d’avoir un standard mondial, qui permet des économies d’échelle

    Belle envolee lyrique pour encore une fois dire: l’interet de tous SAUF du client.
    Le client veut des données qui corresponde a SON usage, pas a celui de l’américain moyen qui fait du commuting sur des grandes avenues, ni du Japonais qui ne sort jamais de la ville.

    Faut pas 100 ans pour définir comment on doit passer un test.
    Et question cout, faire un test leur coute certainement moins cher qu’une page de pub. je prefere en tant que client des données fiables.
    Bref…paroles paroles…plus ca discute, plus ca enfume.

  4. De mon point de vue, cette méthode de test ne me choque pas, le principal étant que toutes les autos passent les mêmes tests, et après on les compare en résultats relatifs.
    A l’usage, celui qui conduit « sportivement » ou qui fait des petits trajets consommera par exemple 30% de plus que la norme, il suffit de la savoir.

    D’un point de vue technique, je ne vois que quelques points qui peuvent avoir un impact non négligeable, par exemple quand la clim automatique est active par défaut au démarrage, l’usager moyen l’utilise sans même s’en rendre compte, il faudrait donc l’inclure dans les tests.

    Bref ça ne me paraît pas si catastrophique que ça pour l’utilisateur.
    N’oubliez pas non plus l’impact d’une nouvelle norme plus réaliste : les taux de CO2 officiels vont augmenter pour un même modèle, et les taxes aussi (n’espérez pas que les taxes vont être recalculées au motif que le test est plus réaliste !!!)

  5. @Stephane : Je ne fais pas « d’envolées lyriques », je tente juste d’expliquer les enjeux, qui dépassent très largement l’échelle d’un pays.

    Une procédure d’homologation unique, c’est autant de temps gagné en mise au point pour les constructeurs, qui en profitent évidemment pour « gratter » de la marge, mais aussi en offrir un peu plus au client (équipement, perfo…).

  6. Très honnêtement (et pour une fois), je préfèrerais que l’on reste sur des méthodologies « farfelues » trompant un peu les chiffres… car toutes ces mesures d’écolo-terroristes sont en train de tuer l’industrie et avec elle, l’image hédoniste et le potentiel passion qui émanait de façon si évidente de l’automobile.
    Bien sûr, je suis pour des mesures visant à réduire les émissions de CO2 et de particules fines, mais pour les bâtiments (privés et professionnels), les transports en commun, les machines agricoles, les engins de génie civile etc… c’est-à-dire tout ce qui « pollue » de façon passive et de façon indépendante au plaisir ressenti…
    Par contre, je pense que l’automobile ne devrait pas être concernée par cette mesure ou du moins, pas aussi durement… d’abord parce que cette prise de position est vraiment contre-productive pour ne pas dire carrément délétère à l’économie… ensuite parce que à court terme, nous allons nous retrouver avec des véhicules purement « utilitaires » dénués d’âme, rendant leur utilisation chiante à en mourir!
    Je sais que l’avis d’un pauvre passionné de « belles mécaniques » isolé ne pourra rien contre la marée écolo-autophobe qui sévit… mais voila, je trouve ça particulièrement triste d’assister à la mise place de cette dictature rétrograde.

  7. Le véritable scandale, c’est de donner artificiellement tant d’importance à l’innofensif CO2 tout en passant sous silence le très dangereux diesel dont, au contraire, on encourage ainsi la prolifération.
    Les taxes CO2 ont aussi permis à des escrocs de détourner des milliards d’euros, et, personnellement, je me pose de sérieuses questions à ce sujet, l’argent sale étant à l’abri dans un certain pays intouchable spécialisé dans les magouilles en tout genre.
    Quand au bonus-malus, il a été mis en place exclusivement pas démagogie pour flatter la jalousie de 70 % des franchouiilards, mais il finira par se transformer en taxe pour tous, et, en attendant, on gaspille l’argent du contribuable pour subventionner des techniques sans avenir sérieux.
    Oui, à défaut de vérité au sujet du CO2, il faudrait au moins une norme mondiale, et la même chose pour l’homologation des véhicules, ce qui introduirait un peu de liberté en France, pays où cette notion ne sera bientôt plus qu’un vague souvenir.

  8. ne serait-il pas plus simple d’encourager, ne fut-ce qu’un peu, l’utilisation de l’hydrogene?
    le probleme ne se situe-t-il pas dans l’obligation des politiciens de soutenir leur industrie automolbile vieillote et exsangue?

  9. Complétement d’accord avec Hedonic mais malheureusement il n’y pas que sa qui tue l’industrie automobile de tout plaisir, les radars depuis ces 10 dernières années y est aussi pour beaucoup.
    L’augmentation du carburant….
    Mais par contre tout le monde sait que le diesel pollue plus que l’essence alors Messieurs les politiques arrêtez de le privilégier et ne nous mettais pas vos normes CO2 cela ne nous renseigne pas du tout sur la pollution mais juste sur la consommation…

  10. En fait avec ce CO2 on nous pompe l’air ….et le porte monnaie. Ayant exercé chez un grand équipementier entre 1971 et 1974 (projets couvrant jusque 1980) , on faisait à cette époque la chasse au CO et aux imbrulés notés CH. Il fallait que le CO soit minime et sorti de suite en CO2; L’effet connu dès l’époque mais tenu sous silence (les écolos n’étaient pas les mêmes) a été une élévation massive des émissions d’oxyde d’azote NO , NO2 qui dérive lui tès vite en N2O4 et N2O5 eux très toxiques..
    Pour rémédier , non pour tenir compte du nouveau sens du vent, Il a fallu le catalyseur (remontée de 15% de la consommation) et l’esence sans plomb très agressive. c’est une suite sans fin en fonction des lubies du moment

  11. c’est un éternel recommencement§ les plus anciens se rappelleront les vignettes 7cv… on a eu des 9 cv voir même des 13 cv devenir soudainement des 7 cv avec des rapports de boite tellement long (50km/h /1000tr) que la vitesse maximale était atteinte en 4 eme l,a 5 eme ne servait pratiquement jamais et même sur autoroute à la moindre cote il fallait rétrograder ( oui je ^parle d’un époque ou il n’y avait que 5 vitesses (et encore pas pour tout le monde)et 3 pour les BAauto) ,qui se rappelle de la 525e destinée au marché français , c’était une 525 i ( je ne me rappel, plus si la puissance était diminuée) avec une bte tellement longue qu’elle est devenue une 7cv. J’ai connu un boulanger qui en avait une dans les année 80, il ralait parce qu’elle était molle

  12. >Une procédure d’homologation unique, c’est autant de temps gagné en mise au point pour les constructeurs

    C’est autant de possibilite d’optimisation pour un test precis plutot que de condition reelle surtout.
    faire un test mondial unique c’est assure de le rendre totalement biaise faux, et pour ainsi dire inutile sauf pour la pub (oh tiens bizarre, comme maintenant en fait…).
    Que les conditions de realisation du test soient normalisee n’a aucune raison de prendre du temps lui.

  13. Très intéressant tout ça…

    Faite une recherche sur les projets d’énergie libre que Nicolas Tesla a développé !
    Une énergie émise à basse fréquence 8Hz et transmise par la terre. Imaginé que vous êtes au sommet de l’Everest et que vous êtes équipé d’un récepteur, vous n’avez plus besoin de lignes électrique, fini le nucléair, fini les conflis entre pro-éolien et les groupes de défense du paysage. Fini la question du CO2…
    Nicolas Tesla a même développé une voiture fonctionnant sur le principe de l’énergie libre, voiture qui utilisait l’éter contenu dans l’air. La voiture roulait et même très bien.

    Question :
    – Pourquoi les résultats de recherches de Tesla ont été gardé secret jusqu’il y a peu ?
    – Pourquoi n’a-t-on pas plus développé l’énergie libre, d’autant plus que les recherches de Tesla ont été confirmées quelques années plus tard ?!
    – Pourquoi, lorsque Tesla a annoncé qu’il n’y aurait plus besoin de grosse infrastructure pour produire de l’électricité (28m2 pour une petite centrale électrique et plus de ligne, la terre faisant conducteur) les mécennes, les financements et les fonds de recherche se sont désintéressés de Nicolas Tesla ?
    => IL FAUT DÉVELOPPER L’ENERGIE LIBRE !

  14. Pour une mesure réaliste la voiture doit être sur route et les cycles proches d’une moyenne acceptable. La norme US semble plus acceptable en ce sens.
    Sur un banc , il est difficile de tenir compte de la masse accélèrée et de la récupération pour les hybrides. Sans tricher on peut facilement optimiser la consommation par de bas régimes .. mais dans la réalité celà ne s’adapte pas au trafic.
    .. db ..
    il y a 8 minutes · Modifié · J’aime · Modifier applicable.

  15. On nous vente les mérites du F.A.P.
    Depuis 2008 je crois que toutes les autos en possèdent un.
    Je suis vendeur de pièces détachées, aujourd’hui, tous les vendeurs d’additifs vous proposent des nettoyants F.A.P.
    Je n’en vends pas, pourquoi ?
    C’est à vous d’utiliser le produit.
    Une petite question, où part le produit et son contenant ?
    Si vous prenez le temps de démonter votre FAP, où aller vous jeter la pollution extirpée ?
    Si vous mettez votre produit dans le réservoir, les émissions stockées repartiront dans l’air.

    Y a t il une usine de retraitement des F.A.P qui stockent toute la pollution ?

    Je n’ai pas une grande confiance en la politique, mais côté hypocrisie, les constructeurs sont rois !

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