Si la voiture totalement autonome n’est pas encore pour demain, la technologie continue de progresser : le premier modèle classé « niveau 3 » a même été officiellement homologué au Japon. Et ce n’est pas aussi anodin qu’il n’y paraît…
Il y a deux façons d’appréhender le sujet de la voiture autonome. Le premier, le plus tentant, est de vouloir aller le plus vite possible, quitte à prendre des raccourcis qui se révèlent parfois être des impasses. C’est le chemin qu’a suivi Uber, et qui a coûté la vie à une malheureuse passante en mars 2018 dans l’Arizona. Un drame qui aura beaucoup nui à l’image du géant mondial des VTC, qui a depuis annoncé qu’il abandonnait ses projets dans la voiture autonome. De son côté, Tesla a également tendance à aller un peu plus vite que la musique, comme l’a montré son déploiement à la hussarde de la fonctionnalité « Full Self Driving » auprès de quelques « cobayes » américains.
De leur côté, les constructeurs « historiques » font preuve d’une plus grande prudence. Ils préfèrent avancer pas à pas, en additionnant les « briques » logicielles et matérielles dans l’espoir d’arriver un jour à une autonomie totale, fonctionnelle et sûre. Un rythme lent et précautionneux qui désarçonne le public technophile qui a découvert ce sujet grâce aux innovations de Waymo ou aux coups de com’ de Tesla, mais qui ignore souvent les tenants et des aboutissants du problème de l’autonomie. À commencer, bien sûr, par celui de la régulation, des normes et de la responsabilité juridique qui en découle.
De ce côté là, les gouvernements font également preuve de prudence. Le premier billet de ce blog consacré à l’autonomie date ainsi de… 2011 (dix ans déjà !), et sa tonalité était alors résolument optimiste. Entre temps, la complexité du problème de l’autonomie s’est révélée, ainsi que l’inertie des autorités régulatrices qui veulent s’assurer – et on les comprend ! – qu’une telle technologie ait fait ses preuves avant de l’autoriser sur les routes. Audi pensait ainsi pouvoir proposer une conduite autonome dans les embouteillages (niveau 3) sur l’actuelle A8. Mais le flou juridique autour de cette technologie l’a conduit à revoir ses plans, remettant même en question la pertinence de l’autonomie de niveau 3.
Heureusement, les législateurs ne sont pas restés les bras croisés pendant toutes ces années. Les Nations Unies ont ainsi publié un projet de réglementation pour l’homologation des véhicules équipés d’un « système automatisé de maintien dans la voie », tandis que la convention de Vienne a été amendée afin d’autoriser la circulation de ces automobiles. La transposition de ces normes dans le code de la route français devrait intervenir cette année.
Mais l’histoire retiendra que c’est au Japon que la première auto dotée de la technologie autonome de niveau 3 a été homologuée : c’est à la berline haut de gamme Honda Legend que revient cet honneur. Sa panoplie d’aides à la conduite Honda Sensing a en effet été complétée par un « Traffic Jam Pilot » qui prendra le relais du conducteur dans les conditions d’embouteillages sur autoroute, par temps clair et jusqu’à une vitesse de 50 km/h. Lorsque le système est engagé, le conducteur n’est plus tenu de garder les mains sur le volant et pourra en théorie avoir l’esprit ailleurs. Il devra cependant être prêt à reprendre le contrôle lorsque le système l’exigera.
Le progrès peut paraître mince par rapport aux systèmes de délégation de conduite de niveau 2 actuels. Mais c’est un pas important qui est franchi, puisque dès lors qu’une aide à la conduite (ADAS) de niveau 3 est activée, il y a transfert de responsabilité du conducteur au véhicule… et donc à son constructeur, qui peut être tenu pénalement responsable des conséquences d’une défaillance. C’est pourquoi, outre des garde-fous élémentaires (surveiller le niveau d’attention du conducteur, anticiper les situations où il devra reprendre la main, être capable de stopper le véhicule en toute sécurité si le conducteur ne répond pas, être protégé contre les cyberattaques…), le nouveau règlement des Nations Unies prévoit également que ces systèmes devront intégrer une boîte noire effacée à intervalles réguliers afin d’établir les circonstances et les responsabilités précises lors d’un accident. Un véritable tournant, donc.
Reste que, comme je l’avais écrit dans un précédent billet, ce niveau 3 qui mêle un peu la chèvre et le chou, avec des phases de transition potentiellement fréquentes et hasardeuses, ne plaît pas à tous les constructeurs, certains ayant même décidé de sauter cet étape intermédiaire jugée trop délicate, et de viser directement le niveau 4, qui ne requiert pas de transfert de responsabilité une fois le système ADAS activé. Mais le fait que le niveau 3 soit d’ores et déjà encadré par des normes internationales et toujours soutenu par des marques comme Mercedes ou Honda les incitera peut-être à revoir leurs plans…